miércoles, 4 de julio de 2012

Commémoration historique : 40ème anniversaire de la première commission mixte franco-équatorienne, 1966 – 2006 (Genèse des relations entre la France et l’Équateur) (6ème partie)


Par Darío Lara (Traduit de l'espagnol* par Catherine Lara)

Présentation
Première partie de l'article
Deuxième partie de l'article
Troisième partie de l'article
Quatrième partie de l'article
Cinquième partie de l'article

Mais revenons à notre chroniqueur français. Nous allons assister dans les pages qui suivent à une série de scènes qui pourraient tout à fait constituer la trame d’une pièce de théâtre, ou mieux encore d’une tragicomédie qui doit aux brillantes qualités d’un des deux protagonistes de ne pas s’être achevée en tragédie. La première scène nous présente un Rocafuerte conciliant face à un Flores qui « avait toutes les raisons de craindre son inimitié » : « Au début Rocafuerte parut vouloir se calmer et dès son arrivée il écrivit une lettre pleine d’égards dans laquelle il offrait son amitié... » (page 28).

La réaction de Flores fut immédiate et logique :

« Flores, heureux de recevoir de telles manifestations de bienveillance ne se contenta pas d’y fournir des réponses avec bienveillance ; selon sa manière d’agir avec les gens dont il pense avoir besoin, il tenta de se gagner la sympathie de Rocafuerte et de s’en faire un allié ; il lui proposa donc un Ministère ; quelques personnes prétendent même qu’il offrit de lui céder la Présidence lorsqu’il abandonnerait ce poste » (page 28).

La première scène de présentation s’est achevée sur les promesses des protagonistes. Très vite le scénario va se modifier. La situation de l’administration de Flores, les difficultés qui s’accumulent autour du Président, le mécontentement croissant chaque jour, tout ceci va favoriser une immédiate réaction de Rocafuerte qui trouve là un terrain favorable à son caractère :

« Il avait suffit de peu de temps pour modifier les dispositions de Monsieur Rocafuerte », écrit Buchet de Martigny. « Lorsqu’il eut prit connaissance de la politique générale du gouvernement de Flores, il se montra totalement opposé à ses idées » (page 28).

Un autre facteur qui contrariait Rocafuerte au plus haut point était de voir en Equateur un personnage qu’il détestait profondément depuis des années en raison de sa fidélité à Bolivar dont il avait toujours défendu les idées : motif suffisant pour rendre furieux l’antibolivarien viscéral qu’était Rocafuerte. Ce personnage n’était ni plus ni moins que le Ministre des Finances, Juan Garcia del Rio. Buchet de Martigny fait remarquer :

« Il retrouvait de nouveau sur son chemin un homme (Monsieur Garcia del Rio) dont il s’était déclarél’ennemi le plus acharné, depuis l’époque où il vivait en Europe, en raison de leurs divergences politiques et avec lequel aucune réconciliation n’était possible » (page 28).

Et certains voudraient évoquer un Rocafuerte tolérant ! Cette haine envers Garcia del Rio amènera Rocafuerte à adopter des attitudes extrêmes scandaleuses. Alors que débutaient les sessions du Congrès le 1er septembre 1833, Rocafuerte, déjà élu Député, vit entrer le Ministre des Finances et sans aucune considération pour le lieu où il se trouvait et les personnes qui l’entouraient lança ces paroles en guise de salut : « Comment est-il possible que je voie dans ma propre Patrie un misérable Garcia del Rio en train d’occuper un poste ministériel inconstitutionnel ? On comprendra le désaccord et l’indignation des Députés dont l’un prit la parole pour lui faire remarquer sa faute et le réduire au silence » (63).

Cela se produisit en 1833. Mais cela n’étonnera pas ceux qui connaissent la personnalité de Rocafuerte , qui alors qu’il était Président écrivit le 2 mars 1837 au général Flores : « Dimanche j’offre à Garcia del Rio une invitation diplomatique ; votre assistance est un devoir et j’aurai plaisir à porter un toast avec vous. » Plus tard, le 31 juillet 1841, alors qu’il soutient la désignation de Garcia del Rio comme Consul à Mexico, il écrit à Flores : « Nos relations avec le Mexique sont si importantes que nous avons là besoin d’un homme habile comme Garcia del Rio : il nous sera aussi utile que le fut Gual à Madrid » (64).

Continuons désormais le dialogue interrompu entre le général Flores et Rocafuerte. Buchet de Martigny commente ainsi la proposition que fait le Président :

« Si brillante que lui sembla la proposition qui venait de lui être faite, son ambition ne trouvait cependant pas là totale satisfaction ; en supposant qu’il puisse parvenir à la Présidence par le biais de cette association qu’on lui proposait, il n’aurait en réalité qu’un pouvoir secondaire en Equateur tant que le général Flores continuerait à y résider puisque c’est lui qui continuerait à disposer de la force militaire presque totalement composée de vénézueliens, ses compatriotes. Monsieur Rocafuerte crut sans doute pouvoir mieux manœuvrer et parvenir à la Présidence par d’autres voies » (page 28).

Effectivement il parviendra à occuper le poste de Président en 1835 mais grâce à l’appui total du général Flores. Dans l’immédiat il répondit qu’il n’accepterait aucune charge au sein du gouvernement et que l’unique poste qu’il accepterait était celui de Député au Congrès, « si vos concitoyens jugent opportun de m’y faire élire ». Cette réponse ne satisfit pas le Président et il n’eut dès lors plus de doutes sur ce qu’il pouvait attendre de son correspondant. Il se rendit immédiatement à Guayaquil où, grâce à son influence indiscutable, Rocafuerte était à la tête des mécontents contre le gouvernement.

Au cours des mois qui suivirent, des élections pour le Congrès eurent lieu. Même si le général Flores conserva une majorité assurée, il ne put – ni ne voulut – empêcher l’élection de Rocafuerte. Buchet de Martigny écrit :

« … quelques jours après la réunion du Congrès, le Président transmit à cette Assemblée un message dans lequel il exposait le danger imminent que courait l’ordre public et il sollicitait pour le défendre qu’on lui accorde les pouvoirs extraordinaires et dictatoriaux que la Constitution prévoyait dans de pareilles circonstances. L’Assemblée composée en majorité de créatures du Président n’hésita pas à accéder à sa demande » (page 30).

Nous sommes au second acte : la rupture entre le général Flores et Rocafuerte qui ne put assister à cette session en raison d’une maladie :

« … dès le lendemain de la proclamation de la dictature, il écrivit et publia un manifeste (dont je joins la traduction) afin de mieux faire connaître son auteur », nous explique Buchet de Martigny (page 30).

Le Congrès répondit à la violente publication de Rocafuerte et le destitua de sa charge. Le général Flores en vertu des pouvoirs conférés par le Congrès signa l’ordre d’exil et « le tribun se retrouva bientôt sur la route de son exil vers le Pérou, contraint par les forces armées et en dépit de nombreuses protestations » (page 31). La situation interne du pays s’aggrava dangereusement. Les mesures du Congrès loin de pacifier le pays compromirent sa stabilité. L’opposition trouvait dans ces circonstances la meilleure occasion pour exprimer son mécontentement. Selon Buchet de Martigny, le 12 octobre 1833 la révolution éclata à Guayaquil :

« …A Guayaquil ils parvinrent à rallier à leur cause le lieutenant colonel Mena, ancien forçat, qui commandait la ville dont la troupe était en majorité composée de vénézueliens… Les mécontents appartenaient presque tous aux basses classes, surtout des Noirs et des Mulâtres, castes redoutées dans toutes les côtes de l’Amérique Méridionale car elles provoquent toujours l’opprobre sur la cause qu’elles défendent et leur triomphe répand la crainte parmi les classes populaires » (page 31).

Selon le paragraphe de Buchet de Martigny la révolution avait besoin d’un chef :

« Une des premières décisions fut de tenter de libérer Monsieur Rocafuerte qui se trouvait encore dans la ville de Cuenca, en route pour le Pérou. Ils envoyèrent dans cette ville un détachement commandé par un habile chef qui, après avoir montré aux autorités de Cuenca des ordres falsifiés, obtint qu’on lui remette le prisonnier et le ramena à Guayaquil. Mena invita alors la Municipalité et les principaux citoyens à se réunir et à établir un gouvernement provisoire… Monsieur Rocafuerte fut proclamé Chef Suprême du Département de Guayaquil et Mena Commandant Militaire. Ce dernier fut promu au grade de général de brigade en remerciement pour les services rendus » (page 31-32).

S’il est indéniable que le mécontentement, la pauvreté et le malaise qui ne faisaient que s’accroître durant ces années de notre vie républicaine furent les causes immédiates de la « révolution des chihuahuas », menée par un petit groupe d’opposants au régime du général Flores, il n’en est pas moins vrai que d’autres raisons se cachaient derrière les intrigues si sombres de la politique de cette époque. En effet :

« La raison de cette campagne était essentiellement d’ordre politique et partisane, il s’agissait d’une manifestation de la lutte déjà ancienne du Parti Libéral, fondé à Bogota, ennemi des idéaux et des partisans de Bolivar. Il avait vaincu en Colombie et souhaitait désormais obtenir le pouvoir également en Equateur. Il dissimulait ses desseins derrière le masque de ceux qui se préoccupent uniquement du bien du pays, de la défense de ses droits et manifestent contre les erreurs et les abus des autorités » (65).

Force est de reconnaître comme le souligne Buchet De Martigny que l’objectif de Rocafuerte et de Mena était très différent : pour le premier son but était d’expulser d’Equateur le général Flores, principal représentant de la tradition bolivarienne et d’asseoir son autorité par tous les moyens ; pour le second nous pouvons lire dans la chronique du diplomate français que « son dessein était simplement de s’enrichir grâce au pillage et d’obliger Flores à lui accorder le grade de général et des garanties pour son avenir » (page 32).

Cependant la réaction du président Flores fut immédiate. Habile stratège et militaire expérimenté, il entra dans Guayaquil le 23 novembre après avoir surmonté de nombreuses difficultés et surprit les insurgés alors que Rocafuerte, comme l’écrit Buchet de Martigny, se comporta comme un chef de gouvernement et :

« …déclara alors par décret le port de Guayaquil en état de siège et partit pour le Pérou quelques jours après afin de tenter d’y obtenir de l’aide, c'est-à-dire des hommes, des vivres , des armes et des munitions qu’il pourrait faire parvenir à ses partisans » (page 34).

En l’absence de Rocafuerte le quartier général des révolutionnaires fut installé sur l’île de Puna :

« Mena demeura seul, chargé de poursuivre la guerre ; poussé par ses compagnons d’armes et comme à contrecœur, il attaqua par deux fois la ville de Guayaquil, sans succès. Plusieurs autres actions de faible envergure, soit par voie maritime, soit par voie terrestre, ne produisirent pas non plus de résultat définitif… Monsieur Rocafuerte ayant échoué dans sa demande d’aide du Pérou, il revint à Puna vers la mi-avril. J’eus l’occasion de l’y rencontrer lors de mon passage par l’île début mai, à mon retour de Quito » (page 34).

Le spectacle qu’offrait alors la région ne pouvait être plus désolateur et le cadre que décrit Buchet de Martigny, témoin visuel, de la ville de Guayaquil et des environs est tout simplement catastrophique ; On doit également ajouter les excès auxquels se livrèrent les insurgés, une page honteuse de l’histoire. Loin de toute idée de restaurer une quelconque autorité ils ne combattaient que pour leurs intérêts personnels. Pour cette raison précise, une telle situation ne pouvait durer plus longtemps. Très vite apparurent des dissensions entre Rocafuerte et Mena. La correspondance de ce dernier avec le général Flores nous permet d’appréhender la véritable situation. Dans une lettre du 16 juin il reconnaît : « Votre Excellence connaît ma position. Vous savez, ou vous devez savoir, que je suis actuellement en conflit ouvert avec Rocafuerte qui a osé m’insulter. Permettez moi Votre Excellence de vous ouvrir mon cœur, et dans cette révolution nul n’est coupable sinon moi… » (66).

D’autre part la diplomatie de Flores était très active tant pour éviter une guerre civile généralisée que pour se rallier les deux adversaires qui étaient d’ores et déjà en lutte ouverte. Buchet de Martigny résume ainsi :

« … vers la mi-juin, le général Flores, grâce à une habile manoeuvre fit enlever Rocafuerte sur l’île Puna où il était demeuré seul et sans défense, croyant que la frégate Colombia et les goélettes étaient parties resserrer le blocus de la ville, et le fit conduire à Guayaquil » (page 36-37).

Il ne fait aucun doute que Mena eut une part décisive dans la capture de Rocafuerte le 18 juin car il avait des raisons de demeurer fidèle à Flores comme cela ressort de sa correspondance citée auparavant. Ainsi entre la rébellion du 12 octobre 1833 et l’emprisonnement de Rocafuerte le 18 juin 1834 s’étaient écoulés huit mois d’innombrables privations, de souffrances et de réquisitions en tout genre dont souffrit particulièrement la région côtière puisque :

« … les insurgés ou plutôt les pirates, dépourvus de vivres, et de tout sentiment d’humanité, se livraient à toutes sortes de pillages sur les deux rives du fleuve ; chaque jour ils se livraient à de longues incursions au cours desquelles ils ne contentaient pas de prendre aux malheureux habitants leur bétail, leurs récoltes et leur argent mais en plus les maltraitaient et les obligeaient à fuir dans les forêts. Ils se rendaient également coupables d’exactions envers les navires marchands étrangers ; arguant du prétendu décret de blocus (signé par Rocafuerte) ils les soumettaient à des inspections, occasionnant de grands retards, et à des contributions financières arbitraires et abusives » (page 35).

Rocafuerte prisonnier, se produisit alors l’inespéré : c'est-à-dire le troisième acte du drame entamé à peine un an avant. Le général Flores, loin de le condamner à mort, comme le craignaient de nombreux amis du meneur de Guayaquil, non seulement se réconcilia avec Rocafuerte mais en plus le ratifia comme Chef suprême du Département de Guayaquil et une fois achevé son mandat présidentiel le 10 septembre 1834, collabora avec lui en tant que Commandant en chef de l’Armée du Guayas ». Flores sera de cette façon le grand acteur de la pacification du pays contre l’armée de José Félix Valdivieso qui s’était proclamé Chef Suprême de la République le 14 juin 1834. La victoire de Miñarica le 16 janvier 1835 mit un terme aux agissements des révolutionnaires du Nord qui cherchèrent refuge auprès d’Obando. Ce n’était un secret pour personne que l’auteur de l’assassinat de Berruecos cherchait avec Santander et d’autres ennemis de Bolivar à éliminer le général Flores caressant l’espoir de s’emparer de la jeune République du Sud et de l’annexer à la Colombie.

Cette réconciliation entre Flores et Rocafuerte ne doit pas faire oublier l’intervention décidée et courageuse du général français Bernard Daste. Au service de l’Equateur, collaborateur de Flores et de Rocafuerte il occupa les plus hautes fonctions : Commandant de l’Armée, Ministre de la Guerre, de l’Intérieur et des Affaires Etrangères, « son caractère honorable et conciliant » contribua en grande partie à un accord qui mit fin à une période très agitée.

Cette réconciliation et l’attitude si généreuse du général Flores ont rarement été si bien appréciées par les historiens qu’elles ne le furent par le Professeur Jorge Villalba F. lorsqu’il écrit que « ce fut la conquête humaine la plus étonnante du général Flores. Il parviendra à désarmer et à obtenir la collaboration de José F. Valdivieso, de Pedro Moncayo lui-même et de beaucoup d’autres ; mais adoucir et se réconcilier avec un lion comme Vicente Rocafuerte, au milieu des grondements des combats, fut une prouesse hors du commun. En outre, il en résulta un bénéfice incalculable pour le bien du pays » (67).

Effectivement la pacification du pays et le terme du mandat présidentiel du général Flores furent suivis de l’élection de Vicente Rocafuerte par les législateurs réunis lors de la Convention d’Ambato le 2 août 1835, une élection où l’intervention de l’ex-président fut décisive.

Buchet de Martigny qui avait déjà abandonné l’Equateur et se trouvait à Lima écrit dans les derniers paragraphes de sa Notice, après avoir été informé de l’auto proclamation de Valdivieso dans le Nord et de la mise en prison de Rocafuerte :

« …entre les mains de Flores, craignant sans doute pour sa vie ou séduit par les offres du Président, il avait finalement décidé de parvenir à un accord avec lui et lança une proclamation dans laquelle il invitait tous ses partisans à se soumettre à l’autorité du Gouvernement de l’Equateur et allait même jusqu’à les menacer le cas échéant du couperet de la loi » (page 37).

N’ayant pas constaté de visu de nombreux faits il ajoute, donnant ainsi une preuve de son honnêteté : « Bien que je ne puisse être catégorique quant à tous ces événements, ils me paraissent dignes de foi ».

A Lima, Buchet de Martigny ne cesse de s’intéresser aux événements se déroulant dans le pays qu’il a quitté comme le prouve ce paragraphe :

« J’ai lu à Lima un exemplaire de la proclamation attribuée à Rocafuerte et je sais (je l’ai communiqué à temps au Département) que deux corvettes appartenant aux Etats-Unis s’étaient dirigées vers le fleuve de Guayaquil et devaient s’y rejoindre à l’époque prévue pour l’accord en question… » (page37).

Viennent ensuite ces quelques lignes peu honorables pour le « chef suprême des chihuahuas », détail qui bien que je n’aie pu en trouver confirmation chez nos historiens est présent dans un document du Ministère français des Affaires Etrangères. Buchet de Martigny ajoute :

« Certains assurent même que les corvettes avaient obtenu ce qu’elles étaient venues chercher : une partie des 4000 dollars dérobés à l’américain Ruden avait été retrouvée dans les coffres de Monsieur Rocafuerte et restituée par le général Flores à leur propriétaire légitime » (page 37).

Après avoir consulté les informations laissées par ceux qui ont connu Vicente Rocafuerte et avoir étudié tant de documents de l’époque qui n’étaient influencés ni par l’intérêt ni par la passion politique et qui sont restés inconnus, il aurait été souhaitable que lors du cent cinquantième anniversaire de sa mort (1847-1997), on ne se contente pas de commémorer le « grand homme d’Etat », le « républicain sans tache » et qu’une biographie plus fidèle à l’histoire soit présentée, sans avoir peur de montrer des erreurs et des actes inconnus ou volontairement dissimulés. Car si « jadis le fait d’ignorer ces actes représentait une protection, de nos jours d’un certain point de vue cela signifierait acclamer les vertus de l’oubli et de l’ignorance » (Emmanuel Le Roy Ladurie).

Et nous arrivons aux dernières lignes de la Notice de Buchet de Martigny qui, comme nous le constatons, fut achevée en 1834 alors qu’il se trouvait déjà à Lima et que la révolution des chihuahuas touchait à sa fin. Il conclut simplement :

« Désormais je ne serai plus en condition de suivre les évènements de l’Equateur. Je finirai donc ici cette Note » (page 37).

Comme nous avons pu le remarquer, il nous a présenté un panorama assez connu pour ceux d’entre nous qui fréquentent l’histoire ; mais, qui est toujours intéressant car il s’agit du récit d’un témoin oculaire, un des premiers à rapporter des faits qui sont à l’origine de notre vie républicaine. Bien entendu, avec également le danger lié au manque de perspective que requièrent les récits et l’appréciation de tels faits. En outre, il s’agit d’une confirmation très claire du travail accompli par les agents diplomatiques chargés d’informer leur Ministère. De nos jours ces documents gardés dans autant d’archives permettent que de nombreux chercheurs contribuent à une meilleure connaissance de nos pays.

Effectivement, la richesse des documents existants explique, par exemple, que les chercheurs français aient tant contribué au développement des sciences historiques des dernières décennies plus qu’à toute autre époque. Deux informations donneront une brève idée de cette activité dans les milieux universitaires français. La première est fournie par les services du « fichier central des thèses doctorales de l’Université de Paris X – Nanterre ». D’après ce fichier, durant la période comprise entre 1985 et 1995, 8 589 thèses doctorales ayant trait à l’Histoire étaient en cours de réalisation dans les Universités françaises, classifiées selon l’ordre suivant :

28% : l’Histoire sociale 22% : l’Histoire politique 20% : l’Histoire économique 13% : l’Histoire générale 10% : l’Histoire des relations internationales 7% : l’Histoire militaire

La deuxième information nous intéresse particulièrement puisqu’elle se réfère aux études sur l’Equateur, auquel les hispanistes et les équatorianistes ont porté un intérêt particulier. Dans la publication « Bibliographie Française sur l’Equateur (1968-1993) », le Professeur Bernard Lavallé, un des principaux hispanistes de notre époque, Directeur d’Etudes de l’Université Michel Montaigne à Bordeaux, Professeur de l’Université de Paris III – Nouvelle Sorbonne, indique qu’après 1968 :

« Les publications françaises sur l’Equateur ont sensiblement augmenté » et « au cours des vingt-cinq dernières années, nous avons enregistré plus de 1 400 publications, 1 479 titres exactement, ce qui positionne l’Equateur parmi les pays sur lesquels l’américanisme français a écrit le plus grand nombre de livres et d’articles » (68).

De son côté, la professeur Jeanine Potelet, en présentant les « Actes du Colloque » que l’Université de Paris X – Nanterre organisa avec le Service Culturel de l’Ambassade de l’Equateur en France, à l’occasion du bicentenaire de la mort d’Eugenio Espejo (1795-1995), et en tant que Présidente du « Centre d’Etudes Equatoriennes » qui se trouve au sein de cette Université, écrit ce qui suit :

« L’Equateur occupe une place privilégiée dans les activités du Centre de Recherches Ibériques et Ibéroaméricaines de Paris X. En 1970… le Professeur Charles Minguet et son équipe créèrent le Centre d’Etudes Equatoriennes. Ce Centre, premier et seul organisme de recherche consacré à l’histoire, à la civilisation et à la littérature de ce pays andin jusqu’alors peu étudié en France, a produit de nombreux ouvrages, particulièrement des thèses sur les historiens des 18ème et 19ème siècles, sur les voyageurs français en Equateur et sur les écrivains du 19ème siècle… (69)»

Gabriel Judde dans son excellente thèse doctorale (déjà citée) conclut son évocation de Buchet de Martigny par ces mots :

« Nous avons démontré que les historiens de l’Equateur semblent ignorer l’existence de ce personnage, ainsi que le rôle qu’il a joué dans l’établissement des premières relations commerciales et diplomatiques entre leur pays et la France » (Tome I ; page 42).

En présentant aujourd’hui ce document qui j’espère sera incorporé à notre Histoire diplomatique, j’accomplis un devoir de mémoire en faisant vivre à nouveau le nom et les liens qui unissent Claude Buchet de Martigny et l’Equateur. Par ailleurs, je profite de cette occasion pour insister sur la nécessité pour nos centres d’enseignement, en particulier nos Universités, l’Académie Nationale d’Histoire qui peut offrir une brillante tradition dans ce sens, d’accorder chaque fois un plus grand intérêt aux recherches historiques. Il faut soutenir efficacement les jeunes qui font preuve d’intérêt pour ces activités et qui, attirés par le passé de notre Nation, s’orientent vers ces études avec la conviction que - comme nous l’a enseigné un des esprits le plus brillants de ce siècle, Raymond Aron - :

« La découverte ou redécouverte du passé exprime un dialogue qui durera autant que l’humanité et qui définit l’essence de l’Histoire ».

*Lara, Darío, Histórica conmemoración: 40 años de la Primera Comisión Mixta franco-ecuatoriana, 19966-2006, Comisión Nacional Permanente de Conmemoraciones Cívicas. Quito, 2006.

NOTES

(63) P. Jorge VILLALBA F., S.J., Œuvre citée ; N°44.

(64) Idem.

(65) Idem.

(66) Idem.

(67) Idem.

(68) Bernard LAVALLÉ , Bibliografía Francesa sobre el Ecuador (1968-1993) – Ciencias Humanas, Sociales y de la Tierra (Bibliographie Française sur l’Equateur (1968-1993) – Sciences Humaines, Sociales et de la Terre) ; Maison des Pays Ibériques – Corporación Editora Nacional ; Quito, 1995.

(69) Jeanine POTELET, l’Equateur d’Hier à Aujourd’hui – Hommage à Eugenio Espejo ; (Actes du Colloque, Université de Paris X – Nanterre) ; Service PUBLIDIX ; octobre 1996.
Septième partie de l'article

No hay comentarios:

Publicar un comentario