Par Catherine Lara*
En août 2009, l'Institut National du Patrimoine Culturel de Cuenca et la Mairie du Canton Gualaquiza ont signé un accord dans le but de promouvoir un projet de recherche archéologique dans la vallée du fleuve Cuyes (canton Gualaquiza, province de Morona Santiago, Équateur).
En août 2009, l'Institut National du Patrimoine Culturel de Cuenca et la Mairie du Canton Gualaquiza ont signé un accord dans le but de promouvoir un projet de recherche archéologique dans la vallée du fleuve Cuyes (canton Gualaquiza, province de Morona Santiago, Équateur).
Le projet en question s'est centré sur les spectaculaires -bien que méconnues- structures monumentales situées dans la zone d'étude. En plus de leur valeur patrimoniale et du potentiel touristique qu'ils représentent, ces sites sont clés dans les débats actuels au sujet des origines du monde andin, dans le cadre des tout nouveaux apports réalisés dans le domaine de l'archéologie amazonienne. En effet, depuis les années 50, avec les recherches des archéologues nord-américains Evans et Meggers (Meggers, 1966), l'hypothèse la plus répandue était que l'Amazonie et ses hautes terres –caractérisée en tant que milieu hostile au développement de sociétés politiquement complexes-, furent peuplées à partir du littoral et des plateaux andins. Néanmoins, des projets récents menés dans d'autres sites du piémont oriental andin à partir des années 90 (Cuellar dans la région Quijos [2006], Rostain [1999], Rostoker [2005], Salazar [2000, 2004], Carrillo [2003, n/d] et Ledergerber [1995, 2006, 2007, 2008] dans la province de Morona Santiago, Saulieu [2006], Guffroy [2004] et Valdez et Al. [2005] dans les provinces de Loja et Zamora Chinchipe), sont en train de remettre radicalement ce scénario en question, en particulier en ce qui se réfère à la présence de sociétés politiquement complexes en Amazonie.
Dans ce contexte, à travers le signalement de la présence de monumentalité dans la vallée du fleuve Cuyes, les recherches pionnières de Carrillo (2003, n/d), Ekstrom (1975, 1981), Taylor (1988), Salazar (2000, 2004) et Ledergerber (1995, 2006, 2007, 2008) ont inclus cette région à cette remise en question de l'idée d'absence de complexité sociale en Amazonie. Cependant, ces auteurs proposent des hypothèses divergentes au sujet de la filiation culturelle et chronologique de la vallée du fleuve Cuyes. A l'heure actuelle, et malgré leur double valeur patrimoniale et scientifique, les ruines de la vallée du fleuve Cuyes sont menacées par une série de facteurs: érosion, présence de bétail sur les sites, possible installation de compagnies minières... De ce point de vue, le projet qui sera présenté ici s'est donné pour but de contribuer à la protection de ce précieux patrimoine par le biais d'une meilleure connaissance de celui-ci, tout en proposant de commencer à éclaircir deux énigmes fondamentales au sujet des structures monumentales de la région, à savoir, l'origine ethnique de leurs bâtisseurs, ainsi que l'époque de leur construction. C'est avec ce propos en tête qu'une recherche bibliographique détaillée sur la région et ses alentours a tout d’abord été réalisée; recherche qui a servi de base au travail de terrain et en dernier lieu, à l'interprétation des informations y ayant été récupérées.
LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
En guise de première approche à la zone d'étude, notre recherche bibliographique a essentiellement inclus une exploration écologique de la région, ainsi que de son passé ethno-historique, et des recherches archéologiques y ayant déjà été menées. Ainsi, la vallée du fleuve Cuyes se situe dans la province de Morona Santiago, dans le canton Gualaquiza. La plupart des sites archéologiques enregistrés se trouvent dans les paroisses San Miguel de Cuyes, Amazonas et Nueva Tarqui. Nous sommes donc dans un espace de transition entre la Sierra et l'Amazonie, aussi connu sous les noms de "piémont" ou Haute Amazonie (« selva alta » ou « montaña » en espagnol) (Salazar, 1989), caractéristique fondamentale du point de vue culturel. Ce type de régions -et parmi elles, la vallée du fleuve Cuyes-, se caractérise par un fort contraste thermique qui définit une diversité de micro-environnements. Au niveau géologique, les sols ici sont relativement fertiles, dû à la présence de dépôts d'alluvions (Barragán et Al., 1991) et volcaniques (Carrillo, 2003; Ekstrom, 1981), quoique fragiles, à cause du manque de phosphore et de la forte érosion provoquée par le relief accidenté (Salazar, 1989). D'autre part, la vallée du fleuve Cuyes est célèbre du fait de ses gisements aurifères tout particulièrement ((Alcedo, 1960; Barragán y otros, 1991; Fuentes Bonilla, 1986; Herrera, 1986; Jaramillo, 1936; Pacheco, 1986), mais cupriques également. Elle compte en outre de bons matériaux de construction grâce à la présence de nombreuses carrières de pierre (relief extrêmement accidenté, conformé par de jeunes vallées en canyon et de ravins, souvent situés entre les 3000 et les 600 m.s.n.m.) (Barragán et al., 1991). D'autre part, alimenté par de nombreux cours d'eau qui descendent de ce relief accidenté, le fleuve Cuyes (non navigable) forme un bassin hydrographique important qui se faufile parmi les massifs montagneux.
Dans ce contexte, à travers le signalement de la présence de monumentalité dans la vallée du fleuve Cuyes, les recherches pionnières de Carrillo (2003, n/d), Ekstrom (1975, 1981), Taylor (1988), Salazar (2000, 2004) et Ledergerber (1995, 2006, 2007, 2008) ont inclus cette région à cette remise en question de l'idée d'absence de complexité sociale en Amazonie. Cependant, ces auteurs proposent des hypothèses divergentes au sujet de la filiation culturelle et chronologique de la vallée du fleuve Cuyes. A l'heure actuelle, et malgré leur double valeur patrimoniale et scientifique, les ruines de la vallée du fleuve Cuyes sont menacées par une série de facteurs: érosion, présence de bétail sur les sites, possible installation de compagnies minières... De ce point de vue, le projet qui sera présenté ici s'est donné pour but de contribuer à la protection de ce précieux patrimoine par le biais d'une meilleure connaissance de celui-ci, tout en proposant de commencer à éclaircir deux énigmes fondamentales au sujet des structures monumentales de la région, à savoir, l'origine ethnique de leurs bâtisseurs, ainsi que l'époque de leur construction. C'est avec ce propos en tête qu'une recherche bibliographique détaillée sur la région et ses alentours a tout d’abord été réalisée; recherche qui a servi de base au travail de terrain et en dernier lieu, à l'interprétation des informations y ayant été récupérées.
LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
En guise de première approche à la zone d'étude, notre recherche bibliographique a essentiellement inclus une exploration écologique de la région, ainsi que de son passé ethno-historique, et des recherches archéologiques y ayant déjà été menées. Ainsi, la vallée du fleuve Cuyes se situe dans la province de Morona Santiago, dans le canton Gualaquiza. La plupart des sites archéologiques enregistrés se trouvent dans les paroisses San Miguel de Cuyes, Amazonas et Nueva Tarqui. Nous sommes donc dans un espace de transition entre la Sierra et l'Amazonie, aussi connu sous les noms de "piémont" ou Haute Amazonie (« selva alta » ou « montaña » en espagnol) (Salazar, 1989), caractéristique fondamentale du point de vue culturel. Ce type de régions -et parmi elles, la vallée du fleuve Cuyes-, se caractérise par un fort contraste thermique qui définit une diversité de micro-environnements. Au niveau géologique, les sols ici sont relativement fertiles, dû à la présence de dépôts d'alluvions (Barragán et Al., 1991) et volcaniques (Carrillo, 2003; Ekstrom, 1981), quoique fragiles, à cause du manque de phosphore et de la forte érosion provoquée par le relief accidenté (Salazar, 1989). D'autre part, la vallée du fleuve Cuyes est célèbre du fait de ses gisements aurifères tout particulièrement ((Alcedo, 1960; Barragán y otros, 1991; Fuentes Bonilla, 1986; Herrera, 1986; Jaramillo, 1936; Pacheco, 1986), mais cupriques également. Elle compte en outre de bons matériaux de construction grâce à la présence de nombreuses carrières de pierre (relief extrêmement accidenté, conformé par de jeunes vallées en canyon et de ravins, souvent situés entre les 3000 et les 600 m.s.n.m.) (Barragán et al., 1991). D'autre part, alimenté par de nombreux cours d'eau qui descendent de ce relief accidenté, le fleuve Cuyes (non navigable) forme un bassin hydrographique important qui se faufile parmi les massifs montagneux.
La vallée du fleuve Cuyes se caractérise donc par un environnement qui limite l'occupation humaine, puisqu'il s'agit d'un milieu considérablement humide, au relief accidenté, aux sols fragiles et à la faune et la flore diverse mais représentée par peu d'individus. Néanmoins, c'est aussi un milieu extrêmement riche en ressources susceptibles d'être exploitées culturellement, ainsi que le confirment les informations ethno-historiques.
En effet, le piémont oriental andin a été exploité et occupé par les conquérants espagnols depuis une époque relativement reculée, essentiellement du fait de la présence de nombreux gisements aurifères. Cependant, suite aux soulèvements indigènes du XVIème siècle et, par la suite, de l'expulsion des Jésuites au XVIIIème siècle, la région est restée pratiquement abandonnée (Lovecchio et Glaser, 2006). À partir de recherches réalisées dans les archives de Quito et Cuenca -entre autres- (Aguilar, 1974; ANH/C, 521-258, 1676; ANH/C: 107.853, ff. 13-19, 1711; ANH/Q, série tierras, caisse 14, ff. 27-32, 1682; ANH/Q, série cacicazgos, caisse 21, livre 5, ff. 27-32, 1782; Archives Écclésiastiques de Cuenca, Dossier Gob. Administración, f. 42, 1736; Archives Municipales de Cuenca, feuillet 67 v., 1982; Cárdenas, 2004; Oberem, 1974; Segarra, 2003; Tinoco, 1947; Truhán, 1995), il a été possible de retracer une partie de la généalogie de don Diego Tasa, cacique principal des Cuyes à l'époque des premières années de la Colonisation espagnole, et de récupérer un document datant de 1586 (dans Aguilar, 1974), faisant référence à six établissements humains situés dans la Vallée du fleuve Cuyes à cette époque. En ce qui concerne les voies d'accès à la vallée (ANH/C L. 514- 486, 1657; ANH/C, L. 538-729 v., 1736; Archives Municipales de Cuenca, feuillet 64 v., 1982; Benavente, 1994; Carrasco, 1986; Idrovo, 2000; Tello, 1992; Truhán, 1995), dès 1550, les sources ethno-historiques révèlent l'existence de deux chemins: le premier, relié au "Camino Real" inca, au niveau de Jima, et le deuxième, longeant le fleuve Cuchipamba, depuis Sigsig. Un autre sujet récurrent en ce qui concerne le registre ethno-historique de la Vallée du Fleuve Cuyes est celui des raids guerriers des nommés "Jivaros", ainsi que le signalent Domingo de los Ángeles (1991) et Vásquez de Espinoza (dans Chacón, 1989), entre autres.
Pourtant, les documents ethno-historiques ne sont guerre plus précis en ce qui concerne l'identité des Cuyes, raison pour laquelle les recherches contemporaines ont défini deux grandes hypothèses à ce sujet: la première, défendue par Taylor (1988) et Salazar (2004), établit que la vallée du Fleuve Cuyes dépendait de centres cañaris installés dans la Sierra, dans le cadre d'un système d'exploitation vertical des ressources, tandis que la deuxième, défendue par Carrillo (2003, n/d), soutient qu'il s'agissait plutôt d'une puissante chefferie autonome. Ces hypothèses ont comme arrière-plan un scénario complexe, puisqu’il s'agit d'une région de frontière écologique et culturelle entre la Sierra et l'Amazonie. Dans ce contexte, un autre sujet de débat est la présence inca dans la région. En général, l'on dispose de peu d'informations au sujet des incursions incas en Amazonie, bien qu'au Pérou et en Bolivie, les recherches menées par Berthelot (9186) et Paärssinen et Siiriännen (2006) dans certains secteurs du piémont oriental révèlent une présence inca indirecte, scellée par le biais d'alliances stratégiques de parenté, et soutenues par l'intérêt suscité du fait des gisements aurifères.
Cette recherche bibliographique s'est conclus par le recueil de divers récits appartenant à la tradition orale de la Vallée du Fleuve Cuyes (Aguilar, 1974; Ekstrom, 1975, 1981). Ceux-ci soulignent avant tout l'aspect pluriethnique de son occupation précolombienne, dans un contexte qui questionne de plus en plus la division culturelle présupposée entre Sierra et Amazonie (Bray, 1998), ainsi que l'impact de la présence inca dans la région. En bref, deux problématiques essentielles surgissent ici: l'appartenance ethnique incertaine des groupes ayant habité la région d'une part (cañaris, shuar, inca?), ainsi que la stratégie politique d'occupation du milieu d’autre part.
LE TRAVAIL SUR LE TERRAIN: PRÉSENTATION DES SITES
Le travail de terrain du projet s'est divisé en deux étapes: en premier lieu, un relevé topographique des ruines a été effectué, en vue de les délimiter et de compter de plans permettant de préparer la stratégie de fouilles à partir des problématiques exposées ci-dessus, en fonction aussi du temps et des ressources disponibles dans le cadre de l'étude. Au total, dix-huit sites monumentaux ont été enregistrés dans la vallée du Fleuve Cuyes, parmi lesquels deux ont disparu sous l'infrastructure moderne des villages de San Miguel de Cuyes et Ganazhuma. Dans chaque site, une ou plusieurs unités de fouilles ont été mises en place (en fonction de la surface du gisement), ainsi que des sondages dans les fossés entourant les forteresses et sur les terrasses. D'après les observations réalisées au cours du relevé cartographique des sites, -et comme on le verra par la suite-, ces-derniers peuvent se diviser en quatre types: terrasses, forteresses, centres cérémoniels et résidentiels.
En effet, le piémont oriental andin a été exploité et occupé par les conquérants espagnols depuis une époque relativement reculée, essentiellement du fait de la présence de nombreux gisements aurifères. Cependant, suite aux soulèvements indigènes du XVIème siècle et, par la suite, de l'expulsion des Jésuites au XVIIIème siècle, la région est restée pratiquement abandonnée (Lovecchio et Glaser, 2006). À partir de recherches réalisées dans les archives de Quito et Cuenca -entre autres- (Aguilar, 1974; ANH/C, 521-258, 1676; ANH/C: 107.853, ff. 13-19, 1711; ANH/Q, série tierras, caisse 14, ff. 27-32, 1682; ANH/Q, série cacicazgos, caisse 21, livre 5, ff. 27-32, 1782; Archives Écclésiastiques de Cuenca, Dossier Gob. Administración, f. 42, 1736; Archives Municipales de Cuenca, feuillet 67 v., 1982; Cárdenas, 2004; Oberem, 1974; Segarra, 2003; Tinoco, 1947; Truhán, 1995), il a été possible de retracer une partie de la généalogie de don Diego Tasa, cacique principal des Cuyes à l'époque des premières années de la Colonisation espagnole, et de récupérer un document datant de 1586 (dans Aguilar, 1974), faisant référence à six établissements humains situés dans la Vallée du fleuve Cuyes à cette époque. En ce qui concerne les voies d'accès à la vallée (ANH/C L. 514- 486, 1657; ANH/C, L. 538-729 v., 1736; Archives Municipales de Cuenca, feuillet 64 v., 1982; Benavente, 1994; Carrasco, 1986; Idrovo, 2000; Tello, 1992; Truhán, 1995), dès 1550, les sources ethno-historiques révèlent l'existence de deux chemins: le premier, relié au "Camino Real" inca, au niveau de Jima, et le deuxième, longeant le fleuve Cuchipamba, depuis Sigsig. Un autre sujet récurrent en ce qui concerne le registre ethno-historique de la Vallée du Fleuve Cuyes est celui des raids guerriers des nommés "Jivaros", ainsi que le signalent Domingo de los Ángeles (1991) et Vásquez de Espinoza (dans Chacón, 1989), entre autres.
Pourtant, les documents ethno-historiques ne sont guerre plus précis en ce qui concerne l'identité des Cuyes, raison pour laquelle les recherches contemporaines ont défini deux grandes hypothèses à ce sujet: la première, défendue par Taylor (1988) et Salazar (2004), établit que la vallée du Fleuve Cuyes dépendait de centres cañaris installés dans la Sierra, dans le cadre d'un système d'exploitation vertical des ressources, tandis que la deuxième, défendue par Carrillo (2003, n/d), soutient qu'il s'agissait plutôt d'une puissante chefferie autonome. Ces hypothèses ont comme arrière-plan un scénario complexe, puisqu’il s'agit d'une région de frontière écologique et culturelle entre la Sierra et l'Amazonie. Dans ce contexte, un autre sujet de débat est la présence inca dans la région. En général, l'on dispose de peu d'informations au sujet des incursions incas en Amazonie, bien qu'au Pérou et en Bolivie, les recherches menées par Berthelot (9186) et Paärssinen et Siiriännen (2006) dans certains secteurs du piémont oriental révèlent une présence inca indirecte, scellée par le biais d'alliances stratégiques de parenté, et soutenues par l'intérêt suscité du fait des gisements aurifères.
Cette recherche bibliographique s'est conclus par le recueil de divers récits appartenant à la tradition orale de la Vallée du Fleuve Cuyes (Aguilar, 1974; Ekstrom, 1975, 1981). Ceux-ci soulignent avant tout l'aspect pluriethnique de son occupation précolombienne, dans un contexte qui questionne de plus en plus la division culturelle présupposée entre Sierra et Amazonie (Bray, 1998), ainsi que l'impact de la présence inca dans la région. En bref, deux problématiques essentielles surgissent ici: l'appartenance ethnique incertaine des groupes ayant habité la région d'une part (cañaris, shuar, inca?), ainsi que la stratégie politique d'occupation du milieu d’autre part.
LE TRAVAIL SUR LE TERRAIN: PRÉSENTATION DES SITES
Le travail de terrain du projet s'est divisé en deux étapes: en premier lieu, un relevé topographique des ruines a été effectué, en vue de les délimiter et de compter de plans permettant de préparer la stratégie de fouilles à partir des problématiques exposées ci-dessus, en fonction aussi du temps et des ressources disponibles dans le cadre de l'étude. Au total, dix-huit sites monumentaux ont été enregistrés dans la vallée du Fleuve Cuyes, parmi lesquels deux ont disparu sous l'infrastructure moderne des villages de San Miguel de Cuyes et Ganazhuma. Dans chaque site, une ou plusieurs unités de fouilles ont été mises en place (en fonction de la surface du gisement), ainsi que des sondages dans les fossés entourant les forteresses et sur les terrasses. D'après les observations réalisées au cours du relevé cartographique des sites, -et comme on le verra par la suite-, ces-derniers peuvent se diviser en quatre types: terrasses, forteresses, centres cérémoniels et résidentiels.
Trois ensembles de terrasses ont pu être enregistrés et cartographiés ici: 17 terrasses à Espíritu Playa (les seules comptant de murets de contention en pierre), 35 à San Miguel de Cuyes, et 29 à Nueva Zaruma. Il existe un débat au sujet de la nature de ces terrasses (agricoles et/ou résidentielles?) Dans l'intention d'explorer quelque peu ces possibles fonctions, des échantillons de sols ont été prélevés sur ces terrasses. Leur analyse a révélé des traces de plantes cultivées dans deux de ces ensembles (San Miguel de Cuyes et Nueva Zaruma), plus précisément de maïs (Zea mays), "achira" ou "platanillo" (Canna sp.) et "lerén" ou "bijao" (Calathea sp.), ainsi que de nombreuses espèces ligneuses et de palmes, couramment utilisées en Amazonie dans la fabrication de divers types d'artéfacts (Veintimilla, 2010). Exception faite d'un cas, aucun matériel céramique n'a été repéré sur les terrasses échantillonnées...
En ce qui concerne le deuxième type de sites proposé ici -les forteresses ou "pucaráes" en espagnol-, et tel qu'on l'a vu dans la présentation des informations ethno-historiques portant sur la vallée, il existe plusieurs références au sujet du passé guerrier de la Vallée du Fleuve Cuyes, dont les protagonistes auraient été les Cañaris, les Incas (De los Angeles, 1991; Taylor, 1988), les "Zamoranos" et surtout, les Jivaros (De los Angeles, 1991; Chacon, 1989; Carrillo, communication personnelle). Dans ce sens, la présence de forteresses dans la vallée du Fleuve Cuyes n'est pas surprenante. D'après les paramètres définis par Topic (dans Brown-Vega, sous presse) pour la caractérisation des forteresses, l'on propose ici que Trincheras et Buenos Aires correspondent clairement à cette catégorie, tandis que La Cruz, Nueva Zaruma II et Río Bravo s'associeraient plutôt à des miradors, reprenant cette fois-ci les caractéristiques suggérées par Almeida (1999).
Le site de Trincheras se site au sud-est de Ganazhuma, à un kilomètre au sud du fleuve Cuyes. Il s'agit d'une immense structure ovale en pierre fissile, de 178 mètres de long sur 184 de large (incluant un fossé profond l'entourant), et située sur le mont Ganazhuma. À son extrême nord, elle présente une construction en pierre ronde de 17 mètres de diamètre environ, qui marque aujourd'hui l'entrée du site, tandis que vers son côté sud-ouest apparait un ensemble de murs vaguement rectangulaires, de 26 mètres de large sur 35 de long, avec deux entrées. Le site de Buenos Aires est quant à lui une structure en terre et en pierre (basalte et "cangahua"), délimitée par des ravins et conformée de quatre niveaux en pierre et deux fossés les entourant. Le site s'étend sur 139 mètres de long sur 69 de large. Parmi les miradors, La Cruz est conformé d'une structure en pierre ovoïde de 18 mètres de long sur 13,5 de large orientée en direction nord-est/sud-ouest, ainsi que de trois niveaux de terrasses. Pour sa part, Nueva Zaruma II consiste en un monticule naturel en terre bien conservé et un fossé l'entourant, de 227 mètres de long sur 0.95 mètre de haut en moyenne. Enfin, Río Bravo est une structure en pierre pratiquement semi-circulaire de 34 mètres de large sur 56,7 de long, entourée par un fossé de 70 mètres de long qui longe son extrême nord-est, et qui se franchit à travers un "pont" en terre. Ce fossé est séparé de la structure par un espace plat de 15 mètres environ. Il faut rappeler ici que l'utilisation de ce genre de typologies exige un certain niveau de précaution, car un seul site peut avoir rempli plusieurs fonctions, aussi bien d'un point de vue synchronique que diachronique. Ainsi, dans le monde andin en général, il est commun que les forteresses aient aussi rempli des fonctions cérémonielles (Brown Vega, sous presse), ou qu'elles aient été au départ des sites cérémoniels ayant été adaptés à des fonctions belliqueuses par la suite, avec l'arrivée des Incas dans le cas cañari par exemple (Idrovo, 2004).
Trois sites supplémentaires -La Florida, Nueva Zaruma I et Santopamba- attirent justement l'attention, car ils réunissent partiellement les caractéristiques énoncées par Topic et citées ci-dessus, raison pour laquelle il se pourrait qu'ils correspondent également à la catégorie d'espaces rituels. La Florida forme effectivement une sorte de spirale de 109 mètres de long sur 79 de large, avec un niveau supérieur marqué par une structure interne circulaire en pierre (galets, visiblement), ainsi que trois niveaux supplémentaires en terre et en pierre qui se présentent sous la forme de fossés/terrassements. Le site est facile d'accès, ce qui rend son association à des fins défensives peu probable, à l'instar de Nueva Zaruma I. Cette-dernière structure consiste en un ensemble de deux niveaux en pierre et un fossé, de 57 mètres de long sur 65 de large. Bien que Nueva Zaruma I offre une vue spectaculaire sur le cours inférieur du fleuves Cuyes, se situe sur une pente fortement inclinée et compte de murs relativement épais, la présence d'un seul fossé (parmi les moins profonds des sites de la vallée), la séparation entre les deux niveaux en pierre marquée non pas par un fossé mais par une plateforme facile d'accès (entrées assez larges), et enfin, la présence de terrasses résidentielles et/ou agricoles à proximité, ne vont pas dans le sens d’un site aux fonctions défensives. Finalement, Santopamba est une structure ovoïde en pierre, de 39 mètres long sur 17 mètres de large, avec deux niveaux, mais sans fossé. Dans la même catégorie de sites cérémoniels -bien que non "d'altitude"-, le site Playa s'étend sur une surface de 131 mètres de long sur 88 de large, et se compose de cinq plateformes trapézoïdales revêtues de pierres. Quatre de ces structures comptent de murs en pierre qui partent de leur flanc ouest (8 murs au total) et se dirigent vers le nord-ouest du gisement, dont l'extrême sud-ouest présente en outre une construction circulaire et une plateforme de deux niveaux, toutes deux en pierre, et entourées par un fossé.
Finalement, les sites Espíritu Playa, El Cadi, et peut-être Santa Rosa, s'inscriraient dans la catégorie de sites résidentiels. L'ensemble de Espíritu Playa -aux dimensions plutôt réduites- compte d'une structure formée par trois murs contigus à une structure plus petite divisée en deux chambres, ainsi qu'une allée en pierres encastrées. D'autre part, Santa Rosa -située au pied des terrasses de San Miguel de Cuyes- est une structure en pierre fissile, de 27 mètres de long sur 20 de large, divisée en deux chambres internes et qui présente un fossé vers son extrémité nord-ouest. Enfin, aves ses 108.402 mètres carrés de surface, El Cadi est sans aucun doute le site le plus impressionnant et complexe de la vallée, puisqu'il présente une structure circulaire, une construction ovoïde, une plateforme, 16 chambres rectangulaires et 24 murs aux vastes dimensions.
Un site qui échappe à ce classement typologique est celui de San Juan de Kayamás, situé sur la rive droite du bas Cuyes, à quelques mètres du bord du fleuve. Ce gisement s'étend sur une surface de 55.038 mètres carrés, et est parsemé de monticules en terre recouvert de pierres encastrées et répartis de façon irrégulière. Les monticules enregistrés se caractérisent par une longueur de 2.2 mètres, une largeur de 2.4 mètres et une hauteur de 40 cm en moyenne. Les hypothèses au sujet de la nature de ces formations sont variées: matériel en provenance d'activités d'exploitation aurifère (Temme, communication personnelle) ou tout simplement, constructions (Sarmiento, communication personnelle). Le matériel trouvé lors des fouilles de ce site pencherait plutôt vers son association à l'exploitation de gisements aurifères.
ANALYSE DES INFORMATIONS ET RÉFLEXIONS
Dans l'intention de traiter les problématiques d'ordre ethnique et chronologique qui ont formé le fil conducteur de cette étude, il sera tout d'abord fait mention des résultats obtenus à partir des échantillons de carbone 14 récupérés lors des fouilles, résultats qui seront ensuite complétés par les informations obtenues suite à l'analyse du matériel céramique découvert sur le terrain.
Deux époques d'occupation humaine peuvent être clairement identifiées ici: la première, ancienne (Période Formative), se trouve dans la partie haute de la vallée, tandis que la deuxième, tardive (aux alentours du XIIIème siècle de notre ère), se fait présente vers le bas Cuyes. Le secteur associé aux dates du Formatif correspond plus précisément aux alentours de San Miguel de Cuyes (sites Santa Rosa et Playa), qui auraient été habités dès le premier millénaire avant Jésus-Christ. Il est probable que l'ensemble de terrasses -où, rappelons-le, des traces de plantes cultivées ont été décelées- ait été associée à cette étape d'occupation, caractérisée par la présence de monumentalité ancienne. Phénomène qui attire doublement l'attention, aussi bien du fait de son caractère ancien justement, ainsi que de son contexte géographique: en effet, tel qu'il a été vu dans l'introduction de cette étude, l'Amazonie (ainsi que ses hautes terres) a pendant longtemps été considérée comme éloignée de la monumentalité et des implications de complexité sociale que celle-ci représente, et plus encore à une époque aussi reculée (Lara, 2009). Enfin, un abandon progressif de cette zone est constaté, puisque les niveaux superficiels n'ont révélé aucun type de matériel.
Le site de Trincheras se site au sud-est de Ganazhuma, à un kilomètre au sud du fleuve Cuyes. Il s'agit d'une immense structure ovale en pierre fissile, de 178 mètres de long sur 184 de large (incluant un fossé profond l'entourant), et située sur le mont Ganazhuma. À son extrême nord, elle présente une construction en pierre ronde de 17 mètres de diamètre environ, qui marque aujourd'hui l'entrée du site, tandis que vers son côté sud-ouest apparait un ensemble de murs vaguement rectangulaires, de 26 mètres de large sur 35 de long, avec deux entrées. Le site de Buenos Aires est quant à lui une structure en terre et en pierre (basalte et "cangahua"), délimitée par des ravins et conformée de quatre niveaux en pierre et deux fossés les entourant. Le site s'étend sur 139 mètres de long sur 69 de large. Parmi les miradors, La Cruz est conformé d'une structure en pierre ovoïde de 18 mètres de long sur 13,5 de large orientée en direction nord-est/sud-ouest, ainsi que de trois niveaux de terrasses. Pour sa part, Nueva Zaruma II consiste en un monticule naturel en terre bien conservé et un fossé l'entourant, de 227 mètres de long sur 0.95 mètre de haut en moyenne. Enfin, Río Bravo est une structure en pierre pratiquement semi-circulaire de 34 mètres de large sur 56,7 de long, entourée par un fossé de 70 mètres de long qui longe son extrême nord-est, et qui se franchit à travers un "pont" en terre. Ce fossé est séparé de la structure par un espace plat de 15 mètres environ. Il faut rappeler ici que l'utilisation de ce genre de typologies exige un certain niveau de précaution, car un seul site peut avoir rempli plusieurs fonctions, aussi bien d'un point de vue synchronique que diachronique. Ainsi, dans le monde andin en général, il est commun que les forteresses aient aussi rempli des fonctions cérémonielles (Brown Vega, sous presse), ou qu'elles aient été au départ des sites cérémoniels ayant été adaptés à des fonctions belliqueuses par la suite, avec l'arrivée des Incas dans le cas cañari par exemple (Idrovo, 2004).
Trois sites supplémentaires -La Florida, Nueva Zaruma I et Santopamba- attirent justement l'attention, car ils réunissent partiellement les caractéristiques énoncées par Topic et citées ci-dessus, raison pour laquelle il se pourrait qu'ils correspondent également à la catégorie d'espaces rituels. La Florida forme effectivement une sorte de spirale de 109 mètres de long sur 79 de large, avec un niveau supérieur marqué par une structure interne circulaire en pierre (galets, visiblement), ainsi que trois niveaux supplémentaires en terre et en pierre qui se présentent sous la forme de fossés/terrassements. Le site est facile d'accès, ce qui rend son association à des fins défensives peu probable, à l'instar de Nueva Zaruma I. Cette-dernière structure consiste en un ensemble de deux niveaux en pierre et un fossé, de 57 mètres de long sur 65 de large. Bien que Nueva Zaruma I offre une vue spectaculaire sur le cours inférieur du fleuves Cuyes, se situe sur une pente fortement inclinée et compte de murs relativement épais, la présence d'un seul fossé (parmi les moins profonds des sites de la vallée), la séparation entre les deux niveaux en pierre marquée non pas par un fossé mais par une plateforme facile d'accès (entrées assez larges), et enfin, la présence de terrasses résidentielles et/ou agricoles à proximité, ne vont pas dans le sens d’un site aux fonctions défensives. Finalement, Santopamba est une structure ovoïde en pierre, de 39 mètres long sur 17 mètres de large, avec deux niveaux, mais sans fossé. Dans la même catégorie de sites cérémoniels -bien que non "d'altitude"-, le site Playa s'étend sur une surface de 131 mètres de long sur 88 de large, et se compose de cinq plateformes trapézoïdales revêtues de pierres. Quatre de ces structures comptent de murs en pierre qui partent de leur flanc ouest (8 murs au total) et se dirigent vers le nord-ouest du gisement, dont l'extrême sud-ouest présente en outre une construction circulaire et une plateforme de deux niveaux, toutes deux en pierre, et entourées par un fossé.
Finalement, les sites Espíritu Playa, El Cadi, et peut-être Santa Rosa, s'inscriraient dans la catégorie de sites résidentiels. L'ensemble de Espíritu Playa -aux dimensions plutôt réduites- compte d'une structure formée par trois murs contigus à une structure plus petite divisée en deux chambres, ainsi qu'une allée en pierres encastrées. D'autre part, Santa Rosa -située au pied des terrasses de San Miguel de Cuyes- est une structure en pierre fissile, de 27 mètres de long sur 20 de large, divisée en deux chambres internes et qui présente un fossé vers son extrémité nord-ouest. Enfin, aves ses 108.402 mètres carrés de surface, El Cadi est sans aucun doute le site le plus impressionnant et complexe de la vallée, puisqu'il présente une structure circulaire, une construction ovoïde, une plateforme, 16 chambres rectangulaires et 24 murs aux vastes dimensions.
Un site qui échappe à ce classement typologique est celui de San Juan de Kayamás, situé sur la rive droite du bas Cuyes, à quelques mètres du bord du fleuve. Ce gisement s'étend sur une surface de 55.038 mètres carrés, et est parsemé de monticules en terre recouvert de pierres encastrées et répartis de façon irrégulière. Les monticules enregistrés se caractérisent par une longueur de 2.2 mètres, une largeur de 2.4 mètres et une hauteur de 40 cm en moyenne. Les hypothèses au sujet de la nature de ces formations sont variées: matériel en provenance d'activités d'exploitation aurifère (Temme, communication personnelle) ou tout simplement, constructions (Sarmiento, communication personnelle). Le matériel trouvé lors des fouilles de ce site pencherait plutôt vers son association à l'exploitation de gisements aurifères.
ANALYSE DES INFORMATIONS ET RÉFLEXIONS
Dans l'intention de traiter les problématiques d'ordre ethnique et chronologique qui ont formé le fil conducteur de cette étude, il sera tout d'abord fait mention des résultats obtenus à partir des échantillons de carbone 14 récupérés lors des fouilles, résultats qui seront ensuite complétés par les informations obtenues suite à l'analyse du matériel céramique découvert sur le terrain.
Deux époques d'occupation humaine peuvent être clairement identifiées ici: la première, ancienne (Période Formative), se trouve dans la partie haute de la vallée, tandis que la deuxième, tardive (aux alentours du XIIIème siècle de notre ère), se fait présente vers le bas Cuyes. Le secteur associé aux dates du Formatif correspond plus précisément aux alentours de San Miguel de Cuyes (sites Santa Rosa et Playa), qui auraient été habités dès le premier millénaire avant Jésus-Christ. Il est probable que l'ensemble de terrasses -où, rappelons-le, des traces de plantes cultivées ont été décelées- ait été associée à cette étape d'occupation, caractérisée par la présence de monumentalité ancienne. Phénomène qui attire doublement l'attention, aussi bien du fait de son caractère ancien justement, ainsi que de son contexte géographique: en effet, tel qu'il a été vu dans l'introduction de cette étude, l'Amazonie (ainsi que ses hautes terres) a pendant longtemps été considérée comme éloignée de la monumentalité et des implications de complexité sociale que celle-ci représente, et plus encore à une époque aussi reculée (Lara, 2009). Enfin, un abandon progressif de cette zone est constaté, puisque les niveaux superficiels n'ont révélé aucun type de matériel.
Tableau 1.- Résultats des analyses de Carbone 14 et estimation des dates de construction des structures. En bleu figurent les sites de la haute vallée et en vert, ceux du bas Cuyes. Les sites datant du formatif sont surlignés en jaune.
La deuxième période d'occupation mise en évidence par les analyses de Carbone 14 a pour scénario la basse partie de la vallée, plus concrètement le site de Nueva Zaruma I, daté vers le XIVème siècle de notre ère environ. Il semblerait que cette époque coïncide avec celle du complexe de terrasses identifiées dans la région et, plus concrètement, avec les traces de pratiques agricoles détectées sur les lieux. Nueva Zaruma I est progressivement abandonné, tandis que Nueva Zaruma II semble révéler une occupation tardive plus importante, éventuellement associée à celle de San Juan, tel que le révèlent les similitudes entre le matériel céramique trouvé dans chacun de ces sites.
Au XVème siècle de notre ère, une "vague" de monumentalité se produit, liée à la construction de La Florida, à son tour associée -éventuellement- à celle de El Cadi et Río Bravo, tel que le démontrent les similitudes entre la céramique et l'architecture de chacun de ces trois complexes. Les dates ne sont pas suffisamment précises, mais l'apparition de Buenos Aires ne semble pas très éloignée de ce fleurissement du secteur de El Cadi, quoique la céramique de Buenos Aires soit beaucoup plus fine, friable et de moindre qualité dans la cuisson que celle de El Cadi, ce qui pencherait plutôt vers l'hypothèse d'une association culturelle et/ou fonctionnelle distincte. Par ailleurs, la haute vallée est marquée par la construction des structures des sites Espíritu Playa et La Cruz, dont la céramique diffère complètement de celle de El Cadi et Buenos Aires, ce qui indiquerait là encore une origine culturelle distincte. Il faut souligner ici que ce fleurissement de monumentalité observé dans ce lapse chronologique compris entre 1410 et 1630 après Jésus-Christ mis en évidence par les analyses de Carbone 14, se produit précisément dans un contexte particulièrement agité dans le Sud de l'actuel territoire de l'Équateur, tel que le révèlent les sources ethno-historiques: arrivée des Incas, guerre entre Huáscar et Atahualpa, conquête espagnole et mouvements migratoires successifs en découlant. Bien que l'association des dates va dans le sens de l'existence d'un lien entre la vallée du fleuve Cuyes et ce contexte historique, la complexité de ce-dernier et le créneau relativement réduit du lapse chronologique dans lequel il a eu lieu entravent pour l'instant une meilleure compréhension du rôle exact joué par la région dans cette série d'événements.
En outre, il existe un grand "vide" dans ce panorama, représenté par le secteur Trincheras/Ganazhuma, où, mis à part une pierre d'arme de jet et de quelques tessons rustiques semblables à la céramique de Santa Rosa, aucun indice supplémentaire qui permettrait de situer cette zone parmi les autre sites n'a été trouvé. La céramique de ces sites apporterait-elle plus d'information en ce qui concerne la compréhension des Cuyes?
Plus de neuf cent trente-cinq fragments de céramique ont été récupérés et analysés dans le cadre de ce projet. Le rang de variabilité parmi leurs caractéristiques est considérable, ce qui, en dernier terme, n'est pas non plus surprenant si l'on tient compte du vaste lapse chronologique mis en évidence dans la vallée, et son statut d'espace de transition enter Sierra et Amazonie, propice à la création d'une complexité stylistique. Tel qu'on l'a vu lors de la présentation des sources bibliographiques sur la région, il fallait s'attendre -d'emblée- à trouver de la céramique cañari, inca et/ou amazonienne. La céramique récupérée à Santa Rosa (haut Cuyes) correspondrait à Tacalshapa III (500 avant Jésus-Christ à 1200 après Jésus-Christ, voir Idrovo, 2000), tandis que à El Cadi mais surtout, Río Bravo, Nueva Zaruma II et San Juan (bas Cuyes), c'est surtout de la céramique "corrugada" qui a été récupérée (voir Valdez, 2009); de fait, les Shuar vivent encore dans le secteur du bas Cuyes, et ont même occupé ses hautes terres, tel que le révèlent les archives et les traditions locales. Cependant, les ensembles céramiques de Buenos Aires, Nueva Zaruma I et Espíritu Playa se différencient nettement des styles céramiques traditionnellement signalés en "pays cañari", ainsi que du "corrugado" amazonien. La céramique de ces sites correspondrait-elle aux styles locaux qui, d'après Idrovo (2000) ont surgi à partir de 1.200 après Jésus-Christ? Ou s'agit-il plutôt de variantes du style Inca local, de quelque céramique amazonienne ou "cañari/amazonienne"? Il est certain que des recherches supplémentaires dans la région sont nécessaires afin de pouvoir éclaircir ces quelques points.
En résumé, pour revenir à la problématique ethnique/chronologique présentée au début de ce projet, la présence d'une population proto-cañari semble se confirmer ici (période d'occupation formative associée aux hautes terres de la vallée), ainsi que celle de groupes tardifs associés à la famille Shuar (bas Cuyes). Il semblerait que le matériel trouvé n’aille pas dans le sens d'une présence inca importante. En outre, la découverte d'ensembles céramiques "nouveaux" pourrait être le résultat de la régionalisation cañari après Tacalshapa III, ou encore, de la présence d'un groupe amazonien propre à cette région. D'autres problématiques mises en évidence au cours de la révision bibliographique -tel que la modalité politique d'occupation de la vallée ou bien le rôle de l'or dans son peuplement-, requièrent de recherches plus approfondies.
En guise de conclusion du projet, il est clair que cette région est nouvelle d'un point de vue archéologique, et qu'il reste encore fort à faire ici. Cette étude est une première étape et dans ce sens, elle a été décisive d'un point de vue empirique, puisqu'elle a permis de définir avec plus de précision la nature du registre matériel associé aux structures, ce qui pourra guider de futures recherches dans le secteur.
Grâce à la connaissance de la densité approximative de matériel dans chaque site, il existe désormais la possibilité de définir des stratégies qui permettront d'obtenir des échantillons statistiquement représentatifs de matériel pour chaque gisement, et donc, de consolider les hypothèses au sujet du panorama chronologique et culturel de la zone. D'un point de vue plus ponctuel, il a été signalé que des sites tels que San Juan ou le secteur de Trincheras/Ganazhuma doivent être examinés de plus près. Des traces de plantes cultivées ont été détectées dans certains types de terrasses; une meilleure compréhension des patrons agricoles dans la région exige un projet qui puisse exclusivement se concentrer sur ce type de constructions. De plus, il faut rappeler que cette étude s'est focalisée sur le registre monumental, mais il existe sans aucun doute d'autres sites non-monumentaux dans la vallée qui demandent une prospection extensive de celle-ci, prospection qui apportera très certainement de plus amples informations dans le cadre des débats existants sur le secteur et énoncés en introduction. Cependant, dans le contexte actuel, si les mesures nécessaires ne sont pas prises, ces vestiges et leur potentiel scientifique, patrimonial et touristique risquent de disparaître. Nous faisons donc appel aux autorités compétentes afin qu'elles envisagent sérieusement la déclaration de la région en tant que zone archéologique protégée.
*Traduction de l’auteur de l’original en espagnol [Équateur] paru dans Ier Encuentro de Arqueólogos del Norte de Perú y Sur del Ecuador, Memorias, Universidad de Cuenca, pp. 121-136. Cuenca, 2010.
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La deuxième période d'occupation mise en évidence par les analyses de Carbone 14 a pour scénario la basse partie de la vallée, plus concrètement le site de Nueva Zaruma I, daté vers le XIVème siècle de notre ère environ. Il semblerait que cette époque coïncide avec celle du complexe de terrasses identifiées dans la région et, plus concrètement, avec les traces de pratiques agricoles détectées sur les lieux. Nueva Zaruma I est progressivement abandonné, tandis que Nueva Zaruma II semble révéler une occupation tardive plus importante, éventuellement associée à celle de San Juan, tel que le révèlent les similitudes entre le matériel céramique trouvé dans chacun de ces sites.
Au XVème siècle de notre ère, une "vague" de monumentalité se produit, liée à la construction de La Florida, à son tour associée -éventuellement- à celle de El Cadi et Río Bravo, tel que le démontrent les similitudes entre la céramique et l'architecture de chacun de ces trois complexes. Les dates ne sont pas suffisamment précises, mais l'apparition de Buenos Aires ne semble pas très éloignée de ce fleurissement du secteur de El Cadi, quoique la céramique de Buenos Aires soit beaucoup plus fine, friable et de moindre qualité dans la cuisson que celle de El Cadi, ce qui pencherait plutôt vers l'hypothèse d'une association culturelle et/ou fonctionnelle distincte. Par ailleurs, la haute vallée est marquée par la construction des structures des sites Espíritu Playa et La Cruz, dont la céramique diffère complètement de celle de El Cadi et Buenos Aires, ce qui indiquerait là encore une origine culturelle distincte. Il faut souligner ici que ce fleurissement de monumentalité observé dans ce lapse chronologique compris entre 1410 et 1630 après Jésus-Christ mis en évidence par les analyses de Carbone 14, se produit précisément dans un contexte particulièrement agité dans le Sud de l'actuel territoire de l'Équateur, tel que le révèlent les sources ethno-historiques: arrivée des Incas, guerre entre Huáscar et Atahualpa, conquête espagnole et mouvements migratoires successifs en découlant. Bien que l'association des dates va dans le sens de l'existence d'un lien entre la vallée du fleuve Cuyes et ce contexte historique, la complexité de ce-dernier et le créneau relativement réduit du lapse chronologique dans lequel il a eu lieu entravent pour l'instant une meilleure compréhension du rôle exact joué par la région dans cette série d'événements.
En outre, il existe un grand "vide" dans ce panorama, représenté par le secteur Trincheras/Ganazhuma, où, mis à part une pierre d'arme de jet et de quelques tessons rustiques semblables à la céramique de Santa Rosa, aucun indice supplémentaire qui permettrait de situer cette zone parmi les autre sites n'a été trouvé. La céramique de ces sites apporterait-elle plus d'information en ce qui concerne la compréhension des Cuyes?
Plus de neuf cent trente-cinq fragments de céramique ont été récupérés et analysés dans le cadre de ce projet. Le rang de variabilité parmi leurs caractéristiques est considérable, ce qui, en dernier terme, n'est pas non plus surprenant si l'on tient compte du vaste lapse chronologique mis en évidence dans la vallée, et son statut d'espace de transition enter Sierra et Amazonie, propice à la création d'une complexité stylistique. Tel qu'on l'a vu lors de la présentation des sources bibliographiques sur la région, il fallait s'attendre -d'emblée- à trouver de la céramique cañari, inca et/ou amazonienne. La céramique récupérée à Santa Rosa (haut Cuyes) correspondrait à Tacalshapa III (500 avant Jésus-Christ à 1200 après Jésus-Christ, voir Idrovo, 2000), tandis que à El Cadi mais surtout, Río Bravo, Nueva Zaruma II et San Juan (bas Cuyes), c'est surtout de la céramique "corrugada" qui a été récupérée (voir Valdez, 2009); de fait, les Shuar vivent encore dans le secteur du bas Cuyes, et ont même occupé ses hautes terres, tel que le révèlent les archives et les traditions locales. Cependant, les ensembles céramiques de Buenos Aires, Nueva Zaruma I et Espíritu Playa se différencient nettement des styles céramiques traditionnellement signalés en "pays cañari", ainsi que du "corrugado" amazonien. La céramique de ces sites correspondrait-elle aux styles locaux qui, d'après Idrovo (2000) ont surgi à partir de 1.200 après Jésus-Christ? Ou s'agit-il plutôt de variantes du style Inca local, de quelque céramique amazonienne ou "cañari/amazonienne"? Il est certain que des recherches supplémentaires dans la région sont nécessaires afin de pouvoir éclaircir ces quelques points.
En résumé, pour revenir à la problématique ethnique/chronologique présentée au début de ce projet, la présence d'une population proto-cañari semble se confirmer ici (période d'occupation formative associée aux hautes terres de la vallée), ainsi que celle de groupes tardifs associés à la famille Shuar (bas Cuyes). Il semblerait que le matériel trouvé n’aille pas dans le sens d'une présence inca importante. En outre, la découverte d'ensembles céramiques "nouveaux" pourrait être le résultat de la régionalisation cañari après Tacalshapa III, ou encore, de la présence d'un groupe amazonien propre à cette région. D'autres problématiques mises en évidence au cours de la révision bibliographique -tel que la modalité politique d'occupation de la vallée ou bien le rôle de l'or dans son peuplement-, requièrent de recherches plus approfondies.
En guise de conclusion du projet, il est clair que cette région est nouvelle d'un point de vue archéologique, et qu'il reste encore fort à faire ici. Cette étude est une première étape et dans ce sens, elle a été décisive d'un point de vue empirique, puisqu'elle a permis de définir avec plus de précision la nature du registre matériel associé aux structures, ce qui pourra guider de futures recherches dans le secteur.
Grâce à la connaissance de la densité approximative de matériel dans chaque site, il existe désormais la possibilité de définir des stratégies qui permettront d'obtenir des échantillons statistiquement représentatifs de matériel pour chaque gisement, et donc, de consolider les hypothèses au sujet du panorama chronologique et culturel de la zone. D'un point de vue plus ponctuel, il a été signalé que des sites tels que San Juan ou le secteur de Trincheras/Ganazhuma doivent être examinés de plus près. Des traces de plantes cultivées ont été détectées dans certains types de terrasses; une meilleure compréhension des patrons agricoles dans la région exige un projet qui puisse exclusivement se concentrer sur ce type de constructions. De plus, il faut rappeler que cette étude s'est focalisée sur le registre monumental, mais il existe sans aucun doute d'autres sites non-monumentaux dans la vallée qui demandent une prospection extensive de celle-ci, prospection qui apportera très certainement de plus amples informations dans le cadre des débats existants sur le secteur et énoncés en introduction. Cependant, dans le contexte actuel, si les mesures nécessaires ne sont pas prises, ces vestiges et leur potentiel scientifique, patrimonial et touristique risquent de disparaître. Nous faisons donc appel aux autorités compétentes afin qu'elles envisagent sérieusement la déclaration de la région en tant que zone archéologique protégée.
*Traduction de l’auteur de l’original en espagnol [Équateur] paru dans Ier Encuentro de Arqueólogos del Norte de Perú y Sur del Ecuador, Memorias, Universidad de Cuenca, pp. 121-136. Cuenca, 2010.
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