(En Revista France-Équateur N.2, 1999, pp. 17-29)
“Los escritores franceses y, muy especialmente el Círculo Paul Valéry, dirigido por Michel Gengis-Khan que se decía, tal vez con razón, descendiente del legendario jefe mongol, creador de un imperio errante, organizaron un acto en mi honor, en una de las salas de la Sorbona.
El poeta, crítico y novelista Alain Bosquet presentó mi obra en un discurso de homenaje de alta calidad literaria y de notable composición de los valores poéticos y de las orientaciones culturales de América Latina”
Jorge Carrera Andrade
Para nuestros lectores publicamos por primera vez, gracias a la gentil colaboración y autorización del Dr. A. Darío Lara, único ecuatoriano que acompañaba al poeta este 5 de noviembre de 1952, este hermoso y elevado diálogo poético.
Alain Bosquet
C’est non seulement un grand honneur pour moi que de vous parler de Jorge Carrera Andrade, c’est aussi une tâche difficile. Il me faudra hisser au niveau de ce que la poésie a de plus pur et de plus exigeant, car il ne peut s’agir ici d’une causerie au sens habituel du mot, ni d’une analyse qui se contenterait de suivre pas à pas une œuvre ou un auteur. Carrera Andrade m’en voudrait de ne parler que de lui, que de ses poèmes. Je préfère donc, au risque de paraître peu rigoureux, vous entretenir des problèmes que soulèvent ses vers, problèmes qui dépassent ceux de l’art poétique, touchent à la métaphysique et en même temps, par un retour sur eux-mêmes nourris de richesses qu’ils ont puisées dans l’homme, dans la planète, dans l’espace interstellaire, reviennent au poème, pour en donner une nouvelle définition.
Qu’il me suffise de rappeler que Jorge Carrera Andrade est né en 1903 à Quito, c’est-à-dire sur l’équateur même. À 2850m d’altitude, dans une capitale au climat idéal, littéralement coincée entre le mont Pichincha qui s’élève à 4794m et le mont Cotopaxi qui en atteint 5943. Être né à distance égale entre les pôles, comme sur le fléau immobile d’une balance, savoir que la nuit et le jour se valent, c’est-à-dire que la lumière et l’inconnu ne se combattent que pour mieux réaffirmer l’équilibre qui est leur essence même, ne connaître qu’une seule saison, et par là échapper à l’artifice du temps, voir aussi bien la Grande Ourse que la Croix du Sud, s’élever au-dessus des forêts inextricables et des fermentations toxiques, donc apprivoiser l’espace, n’est-ce pas déjà prévoir une vocation de grandeur ? Cette grandeur, cette amitié avec la planète, cette solidarité avec l’altitude, l’azur, la pierre, la plante, la bête et l’homme, c’est à elle que s’adressera, dès ses premières manifestations, la poésie de Carrera Andrade. Très jeune, il parcourt le monde, attaché culturel de son pays, puis ministre plénipotentiaire, puis ambassadeur, aujourd’hui délégué à l’Unesco. Il connaît les Amériques, l’Asie, l’Europe. Physiquement, la planète n’a point de secret pour lui, poétiquement ils iront la main dans la main, dès ses premiers écrits : «Étang ineffable» (1922), «Bulletins de mer et de terre», que préfaça Gabriela Mistral (1930), «Biographie à l’usage des oiseaux» (1937), «Les clefs de feu», parus à Paris en 1949 dans la prestigieuse traduction de Robert Ganzo, enfin «Dicté par l’eau», actuellement sous presse chez Seghers, dans la traduction de Claude Couffon.
La grandeur en poésie disions-nous. Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de tenter maintenant une expérience, et de définir cette grandeur. Ce genre de remise en question, je sais que Carrera Andrade ne manque jamais de la recommencer. Voici donc, en guise de digression, un bilan et un panorama, forcément incomplets et nécessairement partiaux. Ils nous permettront de mieux situer Jorge Carrera Andrade.
Analysons quelques-unes des images les plus caractéristiques du poète, ces images qui nous plongent non seulement dans un univers où seul règne le merveilleux (ce qui serait éblouissant et à la fois absurde), mais dans un divers ordonné selon une loi qui n’est point la nôtre. Quelle loi, sinon celle qui par-dessus tout sens et en dehors de toute hiérarchie traduit un équilibre et, dès le choc initial, nous apparaît déjà comme une vérité de tout temps découverte par hasard. Voici de ces images :
Tous les insectes échappés d’une table de multiplication.
Le soir lance sa première édition d’hirondelles.
L’heure d’ouverture des étoiles.
Un vent très expert en jardinage.
La fenêtre : ma plus grande propriété.
Les cris des oiseaux sont d’obscures questions au couchant.
Un jour, conseillé par l’aube.
J’ai fondé une république d’oiseaux.
Ma mère semblait vêtue de crépuscule.
Elle avait gardé sa jeunesse au fond d’une guitare.
Comment réagissons-nous? Tout d’abord, il nous semble que ces expressions sont détachées à tout jamais de l’instrument linguistique qui nous les apporte. Nul ne songe à l’original espagnol, ni à la traduction française. L’envol, l’envergure qui leur est propre dépasse la poésie écrite, donc la poésie d’aujourd’hui. Leur extrême, leur infinie traductibilité garantit leur durée : la révélation incontestable qu’elles suscitent en nous se double d’une atrophie instantanée de notre sens critique.
Ces expression-là, sans jamais nous attaquer, ni, semble-t-il, s’occuper de nous, nous occupent cependant tout entiers. Nous sommes conquis si totalement, si volontiers que nous réagissons comme si d’avance nous acceptions la défaite de notre logique et de notre méfiance habituelles. Leur victoire est sans appel. Tel est l’effet, pour brutal qu’il paraît, il ne reste pas sans prolongement. C’est nous, tout à coup, qui nous mettons à créer, à déformer l’image reçue : elle se transforme, entraînant une chaîne de réactions infinie. De ce choc peut naître un tableau de peinture, une symphonie, une expérience scientifique. L’expression verbale est dépassée, et le mot même oublié. D’indifférents nous sommes devenus inspirés, et nous voilà en passe d’inspirer d’autres êtres. Est-il signe de plus grande universalité ? Mais calmons-nous, brisons la chaîne.
«L’heure d’ouverture des étoiles» disions-nous. Soyons sévères, et aussi peu poètes que possible. Les étoiles n’ont pas d’heure, l’heure étant une mesure arbitraire qui ne s’applique qu’à la terre. Année-lumière serait plus juste. Ouverture ? Les étoiles ne s’ouvrent pas, comme des portes ou des usines. Et pourquoi pas des heures de fermeture ? Mais nous tournons en rond. Admettons bêtement, ne fut-ce qu’en prenant à témoin notre sensibilité, que désormais «l’heure d’ouverture des étoiles» est un axiome, un théorème, une vérité acceptée, aussi admise que toutes nos vérités. Voilà pour la grandeur, la richesse ou si vous préférez la permanence de cette poésie.
Il ne nous reste plus qu’à définir son domaine propre. Il ne peut s’agir, nous l’avons vu plus haut, d’un art poétique ni d’une façon d’arranger les vers, encore moins d’une innovation de style. C’est d’une véritable cosmogonie qu’il est question. Carrera Andrade a sa manière à lui d’apprivoiser l’objet (ou le mot ou le concept). Il l’aperçoit d’abord, et en est surpris, tout simplement. Puis il se ressaisit, se maîtrise. Va-t-il employer les milles pièges rituels qui lui assureront la conquête espérée ? Ce serait trop banal. Son propos n’est pas de vaincre. C’est un dialogue qu’il veut, d’égal à égal. Il se désarme donc, en abandonnant à l’objet certains de ses attributs humains. L’objet s’humanise, et le poète lui reconnaît un droit de perception considérable. Le dialogue s’engage.
Mais le poète, comme devant un robot à forme animale, ne peut admettre tant d’injustice. Il se fait ou s’imagine objet lui-même. L’image et le poème acquièrent ainsi un véritable droit sur le poète. L’équilibre est atteint, et le dialogue peut se poursuivre sans risque, l’objet étant capable de penser et littéralement d’écrire le poète. Dans cet univers la mésalliance, la mésintelligence ne sont plus possibles. Les quatre règnes, végétal, animal, minéral et humain connaissent un bonheur, un équilibre, un mariage sans ombre.
“Los escritores franceses y, muy especialmente el Círculo Paul Valéry, dirigido por Michel Gengis-Khan que se decía, tal vez con razón, descendiente del legendario jefe mongol, creador de un imperio errante, organizaron un acto en mi honor, en una de las salas de la Sorbona.
El poeta, crítico y novelista Alain Bosquet presentó mi obra en un discurso de homenaje de alta calidad literaria y de notable composición de los valores poéticos y de las orientaciones culturales de América Latina”
Jorge Carrera Andrade
Para nuestros lectores publicamos por primera vez, gracias a la gentil colaboración y autorización del Dr. A. Darío Lara, único ecuatoriano que acompañaba al poeta este 5 de noviembre de 1952, este hermoso y elevado diálogo poético.
Alain Bosquet
C’est non seulement un grand honneur pour moi que de vous parler de Jorge Carrera Andrade, c’est aussi une tâche difficile. Il me faudra hisser au niveau de ce que la poésie a de plus pur et de plus exigeant, car il ne peut s’agir ici d’une causerie au sens habituel du mot, ni d’une analyse qui se contenterait de suivre pas à pas une œuvre ou un auteur. Carrera Andrade m’en voudrait de ne parler que de lui, que de ses poèmes. Je préfère donc, au risque de paraître peu rigoureux, vous entretenir des problèmes que soulèvent ses vers, problèmes qui dépassent ceux de l’art poétique, touchent à la métaphysique et en même temps, par un retour sur eux-mêmes nourris de richesses qu’ils ont puisées dans l’homme, dans la planète, dans l’espace interstellaire, reviennent au poème, pour en donner une nouvelle définition.
Qu’il me suffise de rappeler que Jorge Carrera Andrade est né en 1903 à Quito, c’est-à-dire sur l’équateur même. À 2850m d’altitude, dans une capitale au climat idéal, littéralement coincée entre le mont Pichincha qui s’élève à 4794m et le mont Cotopaxi qui en atteint 5943. Être né à distance égale entre les pôles, comme sur le fléau immobile d’une balance, savoir que la nuit et le jour se valent, c’est-à-dire que la lumière et l’inconnu ne se combattent que pour mieux réaffirmer l’équilibre qui est leur essence même, ne connaître qu’une seule saison, et par là échapper à l’artifice du temps, voir aussi bien la Grande Ourse que la Croix du Sud, s’élever au-dessus des forêts inextricables et des fermentations toxiques, donc apprivoiser l’espace, n’est-ce pas déjà prévoir une vocation de grandeur ? Cette grandeur, cette amitié avec la planète, cette solidarité avec l’altitude, l’azur, la pierre, la plante, la bête et l’homme, c’est à elle que s’adressera, dès ses premières manifestations, la poésie de Carrera Andrade. Très jeune, il parcourt le monde, attaché culturel de son pays, puis ministre plénipotentiaire, puis ambassadeur, aujourd’hui délégué à l’Unesco. Il connaît les Amériques, l’Asie, l’Europe. Physiquement, la planète n’a point de secret pour lui, poétiquement ils iront la main dans la main, dès ses premiers écrits : «Étang ineffable» (1922), «Bulletins de mer et de terre», que préfaça Gabriela Mistral (1930), «Biographie à l’usage des oiseaux» (1937), «Les clefs de feu», parus à Paris en 1949 dans la prestigieuse traduction de Robert Ganzo, enfin «Dicté par l’eau», actuellement sous presse chez Seghers, dans la traduction de Claude Couffon.
La grandeur en poésie disions-nous. Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de tenter maintenant une expérience, et de définir cette grandeur. Ce genre de remise en question, je sais que Carrera Andrade ne manque jamais de la recommencer. Voici donc, en guise de digression, un bilan et un panorama, forcément incomplets et nécessairement partiaux. Ils nous permettront de mieux situer Jorge Carrera Andrade.
Analysons quelques-unes des images les plus caractéristiques du poète, ces images qui nous plongent non seulement dans un univers où seul règne le merveilleux (ce qui serait éblouissant et à la fois absurde), mais dans un divers ordonné selon une loi qui n’est point la nôtre. Quelle loi, sinon celle qui par-dessus tout sens et en dehors de toute hiérarchie traduit un équilibre et, dès le choc initial, nous apparaît déjà comme une vérité de tout temps découverte par hasard. Voici de ces images :
Tous les insectes échappés d’une table de multiplication.
Le soir lance sa première édition d’hirondelles.
L’heure d’ouverture des étoiles.
Un vent très expert en jardinage.
La fenêtre : ma plus grande propriété.
Les cris des oiseaux sont d’obscures questions au couchant.
Un jour, conseillé par l’aube.
J’ai fondé une république d’oiseaux.
Ma mère semblait vêtue de crépuscule.
Elle avait gardé sa jeunesse au fond d’une guitare.
Comment réagissons-nous? Tout d’abord, il nous semble que ces expressions sont détachées à tout jamais de l’instrument linguistique qui nous les apporte. Nul ne songe à l’original espagnol, ni à la traduction française. L’envol, l’envergure qui leur est propre dépasse la poésie écrite, donc la poésie d’aujourd’hui. Leur extrême, leur infinie traductibilité garantit leur durée : la révélation incontestable qu’elles suscitent en nous se double d’une atrophie instantanée de notre sens critique.
Ces expression-là, sans jamais nous attaquer, ni, semble-t-il, s’occuper de nous, nous occupent cependant tout entiers. Nous sommes conquis si totalement, si volontiers que nous réagissons comme si d’avance nous acceptions la défaite de notre logique et de notre méfiance habituelles. Leur victoire est sans appel. Tel est l’effet, pour brutal qu’il paraît, il ne reste pas sans prolongement. C’est nous, tout à coup, qui nous mettons à créer, à déformer l’image reçue : elle se transforme, entraînant une chaîne de réactions infinie. De ce choc peut naître un tableau de peinture, une symphonie, une expérience scientifique. L’expression verbale est dépassée, et le mot même oublié. D’indifférents nous sommes devenus inspirés, et nous voilà en passe d’inspirer d’autres êtres. Est-il signe de plus grande universalité ? Mais calmons-nous, brisons la chaîne.
«L’heure d’ouverture des étoiles» disions-nous. Soyons sévères, et aussi peu poètes que possible. Les étoiles n’ont pas d’heure, l’heure étant une mesure arbitraire qui ne s’applique qu’à la terre. Année-lumière serait plus juste. Ouverture ? Les étoiles ne s’ouvrent pas, comme des portes ou des usines. Et pourquoi pas des heures de fermeture ? Mais nous tournons en rond. Admettons bêtement, ne fut-ce qu’en prenant à témoin notre sensibilité, que désormais «l’heure d’ouverture des étoiles» est un axiome, un théorème, une vérité acceptée, aussi admise que toutes nos vérités. Voilà pour la grandeur, la richesse ou si vous préférez la permanence de cette poésie.
Il ne nous reste plus qu’à définir son domaine propre. Il ne peut s’agir, nous l’avons vu plus haut, d’un art poétique ni d’une façon d’arranger les vers, encore moins d’une innovation de style. C’est d’une véritable cosmogonie qu’il est question. Carrera Andrade a sa manière à lui d’apprivoiser l’objet (ou le mot ou le concept). Il l’aperçoit d’abord, et en est surpris, tout simplement. Puis il se ressaisit, se maîtrise. Va-t-il employer les milles pièges rituels qui lui assureront la conquête espérée ? Ce serait trop banal. Son propos n’est pas de vaincre. C’est un dialogue qu’il veut, d’égal à égal. Il se désarme donc, en abandonnant à l’objet certains de ses attributs humains. L’objet s’humanise, et le poète lui reconnaît un droit de perception considérable. Le dialogue s’engage.
Mais le poète, comme devant un robot à forme animale, ne peut admettre tant d’injustice. Il se fait ou s’imagine objet lui-même. L’image et le poème acquièrent ainsi un véritable droit sur le poète. L’équilibre est atteint, et le dialogue peut se poursuivre sans risque, l’objet étant capable de penser et littéralement d’écrire le poète. Dans cet univers la mésalliance, la mésintelligence ne sont plus possibles. Les quatre règnes, végétal, animal, minéral et humain connaissent un bonheur, un équilibre, un mariage sans ombre.
Jorge Carrera Andrade, grâce à vous, nous avons des frères parmi les cailloux, les arbres et les iguanes, des amis par-delà les comètes, des poètes au fond de la mer, qui nous dictent des phrases plus belles que les phrases des hommes.
Jorge Carrera Andrade
Señoras, Señores:
La sombra augusta de Valéry otorga cierta grandeza, simple y solemne al mismo tiempo a este recinto de arte y de meditación. Para mí, el nombre de Paul Valéry es una fuente de enseñanza y de pensamiento. Porque el poeta de “La Jeune Parque” aporta a la poesía una contribución maravillosa: el rigor, envuelto en los más sutiles y transparentes velos, tejidos por la inteligencia. Durante más de un siglo, la poesía se había deformado al verterse en las más extrañas vasijas o al correr libremente por el solo placer de abrir un nuevo cauce. Valéry lleva por canales de oro la onda transparente y la conduce a los vasos más preciosos y musicales. Mas, su trabajo no consiste únicamente en la modelación de formas armoniosas, sino que, de paso, modifica también el contenido, enriqueciéndole con los matices y los fulgores espirituales más inesperados. De esta manera se presentan juntas en su poesía –lo que no ha ocurrido frecuentemente en la historia- esas dos raras virtudes, hostiles a veces entre sí: la perfección y la profundidad.
Valéry me enseñó las más elevadas normas líricas, como un preceptor invisible venido de la más joven y eterna antigüedad. Y mi devoción me llevó a intentar la traducción de sus poemas a la lengua de Góngora y Darío. En algunos meses de trabajo pude dar a conocer en español el “Cementerio Marino”, del que existían ya una hermosa versión de Jorge Guillén y otras tentativas más o menos felices realizadas en castellano por Emilio Oribe, Jorge Rojas, Olivares Figueroa, “Cántico de las Columnas”, “Estudio para Narciso”, “Las Granadas”, “La Abeja”, “A una Palma”, etc.
Y emprendí la obra más ardua: la traducción de “La Jeune Parque”, a la que dediqué tantos días de mi vida, iluminados por el descubrimiento del símbolo y el gozo del hallazgo del vocablo español, exacto, que correspondía fielmente a la palabra francesa original, como la imagen al diamante colocado frente a un espejo.
Mas, a pesar de tan útil aprendizaje, mi poesía siguió un camino apartado del dominio intelectual del autor de “Monsieur Teste”. Mi experiencia poética es distinta de la de Valéry, habitante de un país de la más antigua civilización, donde la naturaleza amaestrada -manufacturada como diría Supervielle- los monumentos de una historia ilustre y las obras de los grandes creadores de la cultura humana ofrecen al espíritu su cotidiano alimento de sueños, conocimientos y filosofía. Los años de mi juventud, por el contrario, transcurrieron en medio de un paisaje elemental y entre seres primitivos. Existencia campesina, lejos de las rutas del mundo, a merced de los fenómenos naturales –volcanes y ríos devoradores de hombres- y de los abusos de los gobernantes autócratas, entretenidos a veces en pequeñas guerras civiles, en el escenario de follaje de las haciendas de la cordillera o de los campos de caña de azúcar del litoral.
Buscar los libros deseados, construirse un mundo propio, educar el gusto artístico sin maestros, defenderse del encarecimiento cada vez más estrecho de la barbarie, domar el lenguaje imperfecto, encontrar la belleza de las cosas circundantes y elevarlas a la categoría estética: tales son algunas de las tareas primordiales del poeta en los países todavía no muy desarrollados. Acaso, el escritor europeo no comprende a veces ciertas actitudes del escritor hispanoamericano, ciertas inconstancias en el pensamiento, cierta escasez de producción y falta de continuidad en la obra. El motivo es muy simple: La literatura no es una profesión en muchos países de la América española, y la poesía es considerada más bien como la marca de un destino funesto; además, el poeta –como los demás hombres- se halla mezclado a la lucha política y a la construcción social y material de su país. El poeta es frecuentemente periodista, maestro de escuela, agricultor, abogado, funcionario público o soldado de la revolución. Sabe que es uno de los fundadores de la cultura de su pueblo y no se niega a ejecutar los más humildes oficios. Al contrario del hombre encerrado en la galería de cristal de su biblioteca –convivio de sombras ilustres-, el poeta hispanoamericano no es un hombre que canta en medio de la muchedumbre.
No podía yo sustraerme a la influencia de mi tierra ecuatorial. El escenario del trópico. –“Quito, centro de la zona tórrida” decían los colonizadores españoles- me dictó mis primeros poemas. Luego, el anhelo de conocer el mundo motivó mi gran pasión por la geografía. Entonces, escribí la poesía del viaje: mas, ésta es la aliada fatal de la poesía del regreso, en ese movimiento continuo de ondas concéntricas que aparecen en el agua y terminan allí donde comenzaron.
Mas, para quienes desconocen mi escasa obra poética tal vez es necesario una breve historia de mis libros, y para ello voy a recurrir aquí a “Edades de mi Poesía”. No había yo cumplido veinte años de edad cuando publiqué mi primer libro, ESTANQUE INEFABLE, en las prensas de la Universidad Central de Quito, donde me hallaba cursando mis estudios de jurisprudencia. Es un libro lleno de la atmósfera rural del país. En esa época, me rodeaba por todas partes la provincia. El Ecuador todo era una gran provincia, cuya vida de agua estancada no se conmovía con ninguna cosa… Tiempo claro y manso de Quito: estanque inefable. El campo era un bostezo pastoral. El campo y la oveja no cesaban su diálogo de balidos. Igualmente algunas flores abrían su hociquillo de seda y sacaban la lengua, pero conseguían balar solo perfume. Estanque inefable… Cuatro años pasaron sobre ese estanque, acumulando en torno de mí rimeros de libros y silencio. Época de lecturas continuas, febriles, desde el atardecer hasta el alba. Mi nueva serie de poemas “LA GUIRNALDA DEL SILENCIO” continuaba la idealización de la vida rural, en la que no pasa nada y los vecinos dejan correr las horas jugando a los naipes. Insinuaba la amargura del existir monótono y la tentativa de buscar en lo familiar y lo inmediato un antídoto contra la sombra mortal. Pero todos esos propósitos no podían durar mucho tiempo. La sed de lo desconocido se anunciaba con todas sus torturas. La provincia ya no era un estanque tranquilo sino una cruz.
En un barco holandés salí un día con rumbo a Panamá y, desde allí, para Europa. Se me reveló la poesía del viaje y me inicié en la magia verde de la geografía. Nuevas formas, nuevos símbolos se me salieron al encuentro. Desde mis escalas envié una serie de “BOLETINES DE MAR Y TIERRA”, mis saludos poéticos al hombre del Ecuador, desde el Occidente europeo. Holanda, Alemania, España, Francia. Entre los edificios públicos, los monumentos, los parques y las casas, el aire del mundo no era sino una gran soledad en conserva. Sólo durante una época del año venía la cigarra y comenzaba a horadar esa compacta soledad, y hacía vacilar todas esas casas, parques y monumentos del ahorro y la vanidad del hombre, confundiendo a los mercaderes y estableciendo nuevas jerarquías azules. En medio de los hombres europeos, viviendo como el más desposeído de ellos, comprendí que yo tenía dos fardos más que llevar sobre la espalda; el fardo poético y el fardo de la melancolía indígena americana. Entre imágenes de la lucha social y entre cuadros fugaces de la vida popular de las ciudades, traté de encerrar en mi serie de poemas de “EL TIEMPO MANUAL” un sentimiento de solidaridad humana y de unidad universal.
Las noticias de todos los países eran contradictorias. El fuego empezaba a caer sobre las ciudades. Mi vida ya no tenía ninguna importancia para los hombres. Nadie se acercaba a mi puerta sino los gorriones, portadores de mensajes celestiales. Nadie sino las golondrinas, las gaviotas. En esos días nació mi “BIOGRAFÍA PARA USO DE LOS PÁJAROS”. Nada o muy poca cosa de importancia se cuenta en esa biografía poética; pero, sin embargo, ahí se encierra una total vida del hombre: la amistad cotidiana, las costumbres de cada día, la salud y la enfermedad, el amor, la familia, la edad, la certidumbre de la muerte, la fragilidad de la morada humana, el sentimiento de que todo pasa y seguirá pasando eternamente. Desposeído, extranjero, ignorante de los idiomas comerciales de los hombres, encerrado en mi “morada terrestre”, me sobrecogió la certeza del derrumbe inevitable de las más altas construcciones.
Me embarqué al fin con rumbo hacia el “PAÍS SECRETO” –nombre de mi libro publicado en el Japón, en donde me encontraba entonces.- En esa denominación de País secreto quise sintetizar el país que no tiene mapa porque está dentro de nosotros mismos. Su topografía coincide con los altos y bajos de mi corazón. Su color es gris de edad, gris de polvo común y final, gris de ceniza. Allí habitan las sobras, la soledad, el deseo, el enigma mortal. Las cosas son cifras incomprensibles que se desvanecen. Sólo quedan las ruinas, osamenta de la vanidad humana. La zona minada del misterio sexual. Los despojos de seres, de familias, de sueños, que van flotando en el río de los minutos y van a desembocar en la soledad. La soledad es ciertamente la desembocadura final de nuestro planeta. Es igualmente la materia prima de la que están hechas todas las cosas. Es madre de los elementos y de las formas efímeras. El río es una soledad de agua. El viento, una soledad errante en el espacio. Todo es una afirmación de la gran soledad de la tierra. Esta es la época de mi regreso al “LUGAR DE ORIGEN” y de mi encuentro con la “FAMILIA DE LA NOCHE”.
Como se ve, mi deuda a Francia es inmensa. En los escritores franceses del siglo XIX aprendí el impulso generoso hacia el pueblo, el buceo de las profundidades espirituales, el respeto a la conciencia insobornable. Luego, Baudelaire, en la extraña compañía de Francis Jammes, Baudelaire, Rimbaud al lado de Jules Renard, vinieron a visitarme y dejaron sus huellas en mi poesía. Huéspedes tan dispares, ellos encarnaban sin embargo, mis preocupaciones de esos tiempos, las oscilaciones de mi corazón entre la vida campesina y el supremo refinamiento de las ciudades más cosmopolitas, entre la simplicidad rural y el complicado universo.
Hombre solamente de dos estaciones, presentí el otoño antes de conocerlo en los bosques europeos. Y no me sorprendió el espectáculo del Arco del Triunfo ni el de la Torre Eiffel, pues ya los había visto en mis sueños sudamericanos, como había presentido igualmente a Apollinaire, a Cendrars, a los poetas unanimistas, a Valéry.Esta gran deuda a Francia –especialmente a su poesía, a la que he llamado en otro lugar “la mayor empresa de liberación espiritual del hombre”- he tratado de pagar aunque en mínima parte, con mis traducciones en lengua española, realizadas durante varios años y contenidas ahora en un volumen de “POESÍA FRANCESA CONTEMPORÁNEA”.
Los románticos, Hugo, las figuras mayores del simbolismo fueron mis maestros, en la época de mi juventud. Mas, la irradiación lírica del surrealismo ya no alcanzó a mi trabajo poético. Mientras la generación, capitaneada por Breton, Éluard, Péret y otros, iba en busca del Inconsciente, me interesaba yo más en la conciencia y en el realismo. Un realismo más auténtico, rico de experiencias sensoriales, venía a enriquecer la poesía. Se hubiera dicho que el mundo estaba recién descubierto. Alrededor del hombre, todo era nuevo, virginal. De ahí los nombre de virginalismo, de neo-vitalismo que se aplicaron a esta poesía.
El hombre en medio de las realidades y no en medio de los mitos: Tal es el sentido de mi poesía.
BIBLIOGRAFÍA:
-A. Darío Lara: “Jorge Carrera Andrade Memorias de un Testigo” 1º Tomo, Casa de la Cultura Ecuatoriana, Abya-Yala, Santillana S.A. y Conecel S.A. Quito-Ecuador 1998; págs. 158-162 y 219-232.
-Jorge Carrera Andrade: “El volcán y el colibrí – Autobiografía”. Corporación Editora Nacional, Quito-Ecuador, 1989; colección testimonios, volumen 3, pág. 218.
-Traducción de A. Darío Lara del discurso de Alain Bosquet, nota 1, págs. 223-226:
Jorge Carrera Andrade
Señoras, Señores:
La sombra augusta de Valéry otorga cierta grandeza, simple y solemne al mismo tiempo a este recinto de arte y de meditación. Para mí, el nombre de Paul Valéry es una fuente de enseñanza y de pensamiento. Porque el poeta de “La Jeune Parque” aporta a la poesía una contribución maravillosa: el rigor, envuelto en los más sutiles y transparentes velos, tejidos por la inteligencia. Durante más de un siglo, la poesía se había deformado al verterse en las más extrañas vasijas o al correr libremente por el solo placer de abrir un nuevo cauce. Valéry lleva por canales de oro la onda transparente y la conduce a los vasos más preciosos y musicales. Mas, su trabajo no consiste únicamente en la modelación de formas armoniosas, sino que, de paso, modifica también el contenido, enriqueciéndole con los matices y los fulgores espirituales más inesperados. De esta manera se presentan juntas en su poesía –lo que no ha ocurrido frecuentemente en la historia- esas dos raras virtudes, hostiles a veces entre sí: la perfección y la profundidad.
Valéry me enseñó las más elevadas normas líricas, como un preceptor invisible venido de la más joven y eterna antigüedad. Y mi devoción me llevó a intentar la traducción de sus poemas a la lengua de Góngora y Darío. En algunos meses de trabajo pude dar a conocer en español el “Cementerio Marino”, del que existían ya una hermosa versión de Jorge Guillén y otras tentativas más o menos felices realizadas en castellano por Emilio Oribe, Jorge Rojas, Olivares Figueroa, “Cántico de las Columnas”, “Estudio para Narciso”, “Las Granadas”, “La Abeja”, “A una Palma”, etc.
Y emprendí la obra más ardua: la traducción de “La Jeune Parque”, a la que dediqué tantos días de mi vida, iluminados por el descubrimiento del símbolo y el gozo del hallazgo del vocablo español, exacto, que correspondía fielmente a la palabra francesa original, como la imagen al diamante colocado frente a un espejo.
Mas, a pesar de tan útil aprendizaje, mi poesía siguió un camino apartado del dominio intelectual del autor de “Monsieur Teste”. Mi experiencia poética es distinta de la de Valéry, habitante de un país de la más antigua civilización, donde la naturaleza amaestrada -manufacturada como diría Supervielle- los monumentos de una historia ilustre y las obras de los grandes creadores de la cultura humana ofrecen al espíritu su cotidiano alimento de sueños, conocimientos y filosofía. Los años de mi juventud, por el contrario, transcurrieron en medio de un paisaje elemental y entre seres primitivos. Existencia campesina, lejos de las rutas del mundo, a merced de los fenómenos naturales –volcanes y ríos devoradores de hombres- y de los abusos de los gobernantes autócratas, entretenidos a veces en pequeñas guerras civiles, en el escenario de follaje de las haciendas de la cordillera o de los campos de caña de azúcar del litoral.
Buscar los libros deseados, construirse un mundo propio, educar el gusto artístico sin maestros, defenderse del encarecimiento cada vez más estrecho de la barbarie, domar el lenguaje imperfecto, encontrar la belleza de las cosas circundantes y elevarlas a la categoría estética: tales son algunas de las tareas primordiales del poeta en los países todavía no muy desarrollados. Acaso, el escritor europeo no comprende a veces ciertas actitudes del escritor hispanoamericano, ciertas inconstancias en el pensamiento, cierta escasez de producción y falta de continuidad en la obra. El motivo es muy simple: La literatura no es una profesión en muchos países de la América española, y la poesía es considerada más bien como la marca de un destino funesto; además, el poeta –como los demás hombres- se halla mezclado a la lucha política y a la construcción social y material de su país. El poeta es frecuentemente periodista, maestro de escuela, agricultor, abogado, funcionario público o soldado de la revolución. Sabe que es uno de los fundadores de la cultura de su pueblo y no se niega a ejecutar los más humildes oficios. Al contrario del hombre encerrado en la galería de cristal de su biblioteca –convivio de sombras ilustres-, el poeta hispanoamericano no es un hombre que canta en medio de la muchedumbre.
No podía yo sustraerme a la influencia de mi tierra ecuatorial. El escenario del trópico. –“Quito, centro de la zona tórrida” decían los colonizadores españoles- me dictó mis primeros poemas. Luego, el anhelo de conocer el mundo motivó mi gran pasión por la geografía. Entonces, escribí la poesía del viaje: mas, ésta es la aliada fatal de la poesía del regreso, en ese movimiento continuo de ondas concéntricas que aparecen en el agua y terminan allí donde comenzaron.
Mas, para quienes desconocen mi escasa obra poética tal vez es necesario una breve historia de mis libros, y para ello voy a recurrir aquí a “Edades de mi Poesía”. No había yo cumplido veinte años de edad cuando publiqué mi primer libro, ESTANQUE INEFABLE, en las prensas de la Universidad Central de Quito, donde me hallaba cursando mis estudios de jurisprudencia. Es un libro lleno de la atmósfera rural del país. En esa época, me rodeaba por todas partes la provincia. El Ecuador todo era una gran provincia, cuya vida de agua estancada no se conmovía con ninguna cosa… Tiempo claro y manso de Quito: estanque inefable. El campo era un bostezo pastoral. El campo y la oveja no cesaban su diálogo de balidos. Igualmente algunas flores abrían su hociquillo de seda y sacaban la lengua, pero conseguían balar solo perfume. Estanque inefable… Cuatro años pasaron sobre ese estanque, acumulando en torno de mí rimeros de libros y silencio. Época de lecturas continuas, febriles, desde el atardecer hasta el alba. Mi nueva serie de poemas “LA GUIRNALDA DEL SILENCIO” continuaba la idealización de la vida rural, en la que no pasa nada y los vecinos dejan correr las horas jugando a los naipes. Insinuaba la amargura del existir monótono y la tentativa de buscar en lo familiar y lo inmediato un antídoto contra la sombra mortal. Pero todos esos propósitos no podían durar mucho tiempo. La sed de lo desconocido se anunciaba con todas sus torturas. La provincia ya no era un estanque tranquilo sino una cruz.
En un barco holandés salí un día con rumbo a Panamá y, desde allí, para Europa. Se me reveló la poesía del viaje y me inicié en la magia verde de la geografía. Nuevas formas, nuevos símbolos se me salieron al encuentro. Desde mis escalas envié una serie de “BOLETINES DE MAR Y TIERRA”, mis saludos poéticos al hombre del Ecuador, desde el Occidente europeo. Holanda, Alemania, España, Francia. Entre los edificios públicos, los monumentos, los parques y las casas, el aire del mundo no era sino una gran soledad en conserva. Sólo durante una época del año venía la cigarra y comenzaba a horadar esa compacta soledad, y hacía vacilar todas esas casas, parques y monumentos del ahorro y la vanidad del hombre, confundiendo a los mercaderes y estableciendo nuevas jerarquías azules. En medio de los hombres europeos, viviendo como el más desposeído de ellos, comprendí que yo tenía dos fardos más que llevar sobre la espalda; el fardo poético y el fardo de la melancolía indígena americana. Entre imágenes de la lucha social y entre cuadros fugaces de la vida popular de las ciudades, traté de encerrar en mi serie de poemas de “EL TIEMPO MANUAL” un sentimiento de solidaridad humana y de unidad universal.
Las noticias de todos los países eran contradictorias. El fuego empezaba a caer sobre las ciudades. Mi vida ya no tenía ninguna importancia para los hombres. Nadie se acercaba a mi puerta sino los gorriones, portadores de mensajes celestiales. Nadie sino las golondrinas, las gaviotas. En esos días nació mi “BIOGRAFÍA PARA USO DE LOS PÁJAROS”. Nada o muy poca cosa de importancia se cuenta en esa biografía poética; pero, sin embargo, ahí se encierra una total vida del hombre: la amistad cotidiana, las costumbres de cada día, la salud y la enfermedad, el amor, la familia, la edad, la certidumbre de la muerte, la fragilidad de la morada humana, el sentimiento de que todo pasa y seguirá pasando eternamente. Desposeído, extranjero, ignorante de los idiomas comerciales de los hombres, encerrado en mi “morada terrestre”, me sobrecogió la certeza del derrumbe inevitable de las más altas construcciones.
Me embarqué al fin con rumbo hacia el “PAÍS SECRETO” –nombre de mi libro publicado en el Japón, en donde me encontraba entonces.- En esa denominación de País secreto quise sintetizar el país que no tiene mapa porque está dentro de nosotros mismos. Su topografía coincide con los altos y bajos de mi corazón. Su color es gris de edad, gris de polvo común y final, gris de ceniza. Allí habitan las sobras, la soledad, el deseo, el enigma mortal. Las cosas son cifras incomprensibles que se desvanecen. Sólo quedan las ruinas, osamenta de la vanidad humana. La zona minada del misterio sexual. Los despojos de seres, de familias, de sueños, que van flotando en el río de los minutos y van a desembocar en la soledad. La soledad es ciertamente la desembocadura final de nuestro planeta. Es igualmente la materia prima de la que están hechas todas las cosas. Es madre de los elementos y de las formas efímeras. El río es una soledad de agua. El viento, una soledad errante en el espacio. Todo es una afirmación de la gran soledad de la tierra. Esta es la época de mi regreso al “LUGAR DE ORIGEN” y de mi encuentro con la “FAMILIA DE LA NOCHE”.
Como se ve, mi deuda a Francia es inmensa. En los escritores franceses del siglo XIX aprendí el impulso generoso hacia el pueblo, el buceo de las profundidades espirituales, el respeto a la conciencia insobornable. Luego, Baudelaire, en la extraña compañía de Francis Jammes, Baudelaire, Rimbaud al lado de Jules Renard, vinieron a visitarme y dejaron sus huellas en mi poesía. Huéspedes tan dispares, ellos encarnaban sin embargo, mis preocupaciones de esos tiempos, las oscilaciones de mi corazón entre la vida campesina y el supremo refinamiento de las ciudades más cosmopolitas, entre la simplicidad rural y el complicado universo.
Hombre solamente de dos estaciones, presentí el otoño antes de conocerlo en los bosques europeos. Y no me sorprendió el espectáculo del Arco del Triunfo ni el de la Torre Eiffel, pues ya los había visto en mis sueños sudamericanos, como había presentido igualmente a Apollinaire, a Cendrars, a los poetas unanimistas, a Valéry.Esta gran deuda a Francia –especialmente a su poesía, a la que he llamado en otro lugar “la mayor empresa de liberación espiritual del hombre”- he tratado de pagar aunque en mínima parte, con mis traducciones en lengua española, realizadas durante varios años y contenidas ahora en un volumen de “POESÍA FRANCESA CONTEMPORÁNEA”.
Los románticos, Hugo, las figuras mayores del simbolismo fueron mis maestros, en la época de mi juventud. Mas, la irradiación lírica del surrealismo ya no alcanzó a mi trabajo poético. Mientras la generación, capitaneada por Breton, Éluard, Péret y otros, iba en busca del Inconsciente, me interesaba yo más en la conciencia y en el realismo. Un realismo más auténtico, rico de experiencias sensoriales, venía a enriquecer la poesía. Se hubiera dicho que el mundo estaba recién descubierto. Alrededor del hombre, todo era nuevo, virginal. De ahí los nombre de virginalismo, de neo-vitalismo que se aplicaron a esta poesía.
El hombre en medio de las realidades y no en medio de los mitos: Tal es el sentido de mi poesía.
BIBLIOGRAFÍA:
-A. Darío Lara: “Jorge Carrera Andrade Memorias de un Testigo” 1º Tomo, Casa de la Cultura Ecuatoriana, Abya-Yala, Santillana S.A. y Conecel S.A. Quito-Ecuador 1998; págs. 158-162 y 219-232.
-Jorge Carrera Andrade: “El volcán y el colibrí – Autobiografía”. Corporación Editora Nacional, Quito-Ecuador, 1989; colección testimonios, volumen 3, pág. 218.
-Traducción de A. Darío Lara del discurso de Alain Bosquet, nota 1, págs. 223-226:
"No sólo es un honor muy grande, sino también una tarea difícil hablar de Jorge Carrera Andrade. Para ello me será preciso elevarme al nivel de lo que la poesía tiene de más puro y de más exquisito, pues no se trata aquí de una charla en el sentido habitual de la palabra, ni tampoco de un análisis que se contentaría con seguir paso a paso al autor y a su obra. Carrera Andrade no me perdonaría si hablara aquí solamente de él y de sus poemas. Así, aun a riesgo de parecer poco riguroso, pasaré a exponer los problemas que plantean sus versos, problemas que van más allá del arte poético y tocan a la Metafísica y, al mismo tiempo, por una especie de regreso hacia sí mismos, después de nutrirse de riquezas que han absorbido en el hombre, en el planeta, en el espacio interastral, vuelven al poema para dar de él una nueva definición.
Me basta con recordar que Jorge Carrera Andrade nació en 1903, en Quito, es decir sobre la misma línea del Ecuador, a 2.850 metros de altura, en una capital de clima ideal, literalmente enclavada entre el volcán Pichincha -que se eleva a 4.797 metros- y el volcán Cotopaxi que alcanza a 5.943 metros. Nacer a una distancia igual entre los polos, como sobre el fiel inmóvil de una balanza, saber que el día y la noche son de igual dimensión, es decir que la luz y lo desconocido no se combaten sino para reafirmar mejor el equilibrio que es su propia esencia, conocer una sola estación y de esa manera escapar al artificio del tiempo, ver con la misma claridad la Osa mayor y la Cruz del Sur, elevarse sobre las selvas inextricables y las fermentaciones tóxicas, es decir domar el espacio, ¿No es acaso prever una vocación de grandeza? Esa grandeza, esa amistad con el planeta, esa solidaridad con la altura, el azur, la piedra, la planta, el animal y el hombre, animarán desde sus primeras manifestaciones, la poesía de Carrera Andrade. Muy joven, recorre el mundo, Enviado cultural de su país, luego Ministro Plenipotenciario, después Embajador y Delegado de su país ante la Unesco. Conoce las América, Asia, Europa. Físicamente, el planeta no tiene secretos para él; poéticamente los dos irán, cogidos de la mano desde sus primeros escritos: Estanque Inefable, Boletines de Mar y Tierra -que prologó Gabriela Mistral- (1930), El Tiempo Manual (1935) Rol de la Manzana (1935), Biografía para uso de los pájaros (1937), La Llave del Fuego publicada en París en 1949 en la prestigiosa traducción de Robert Ganzo, en fin Dicté par l´Eau, en las ediciones Pierre Sehers, traducción de Claude Couffon.
La grandeza en poesía, decíamos. Permitidme tentar ahora una experiencia y definir esta grandeza. Esta clase de interrogación yo sé que Jorge Carrera Andrade nunca deja de recomenzar. He aquí, pues, a guisa de disgresión, un balance y un panorama, obligadamente incompletos y necesariamente parciales que nos permitirán de ubicar mejor a Jorge Carrera Andrade.
No en vano he pronunciado los más grandes nombres de la poesía de este siglo. Jorge Carrera Andrade es uno de los dos o tres poetas vivientes que pertencen a esta misma altitud. Ahora voy a ceder el puesto a los intérpretes que van a leeros algunos de sus poemas. Me permitiré, al final de este acto, formular con vosotros la conclusión lógica y buscar en Carrera Andrade la filosofía original, el arte poético propio y el dominio humano personal que, según las premisas de mi modesta demostración, confieren al poeta una verdadera grandeza.
Analicemos algunas de las imágenes más características del poeta, esas imágenes que no sólo nos sumergen en un universo donde únicamente reina lo maravilloso (lo que sería deslumbrante y al mismo tiempo absurdo) sino en un universo ordenado según una ley que no es nuestra. Ley que por encima de todos los sentidos y fuera de toda jerarquía, traduce un equilibrio y que, desde el choque inicial, nos aparece ya como una verdad revelada de todos los tiempos, descubierta por el azar. He aquí algunas de sus imágenes.
Todos los insectos escapados de una tabla de multiplicar
La tarde lanza su primera edición de golondrinas
La hora de apertura de las estrellas
Un viento muy experto en jardinería
La ventana, mi propiedad mayor
Los gritos de los pájaros son oscuras preguntas al ocaso
Un día, aconsejado por el alba
Fundé una república de pájaros
Mi madre, revestida de poniente
guardó su juventud en una honda guitarra.
¿Cómo reaccionamos ante estas imágenes? En el primer momento, nos parece que las expresiones se desprenden para siempre del instrumento lingüístico que las trae hasta nosotros. Nadie piensa en el original español ni en la traducción francesa. El vuelo, la dimensión que les es propia van más allá de la poesía escrita, es decir de la poesía de ahora. Su extrema, su infinita traductibilidad garantiza su duración; la revelación indiscutible que esas imágenes suscitan en nosotros se duplica de una astrofia instantánea de nuestro sentido crítico. Esas expresiones, sin atacarnos nunca y -a lo que parece- sin ocuparse de nosotros, nos ocupan sin embargo enteramente. Estamos conquistados de modo tan total y voluntario que reaccionamos como si aceptáramos por anticipado la derrota de nuestra lógica y de nuestra desconfianza habituales. Su victoria es sin apelación. Tal es su efecto que, por violento que aparezca, no queda sin prolongaciones. Somos nosotros, de pronto, quienes nos ponemos a crear, a deformar la imagen recibida: ella se transforma, arrastrando una infinita cadena de reacciones. De ese choque pueden nacer un cuadro, una sinfonía, una experiencia científica. La expresión verbal ha desaparecido y la palabra misma se ha olvidado. De indiferentes nos hemos vuelto inspirados y dispuestos a inspirar a otros seres. ¿Puede haber un signo de mayor universalidad? Mas, recobremos la calma y rompamos la cadena encantada.
La hora de apertura de las estrellas, dijimos. Seamos severos y lo menos poeta que sea posible. Las estrellas no tienen hora, ya que la hora es una medida arbitraria que no se aplica sino a la tierra. Años-luz sería más exacto. ¿Apertura? Las estrellas no se abren como puertas o fábricas. ¿Y, por qué no horas de clausura? Mas, nos encontramos girando en un círculo sin salida. Admitamos cándidamente, aunque sea tomando por testigo nuestra sensibilidad, que, en adelante la hora de la apertura de las estrellas sea un axioma, un teorema, una verdad tan aceptada y admitida como todas nuestras otras verdades. He aquí la grandeza, la riqueza o, si preferís, la permanencia de esta poesía.
No nos queda sino definir su dominio propio. No puede tratarse de un arte poético -ya lo hemos visto más arriba- ni de una manera de ordenar los versos y menos aún de una innovación de estilo. Se trata nada menos que de una verdadera cosmogonía. Carrea Andrade tiene su manera propia de amaestrar el objeto, o la palabra, o el concepto. Lo percibe primero, y lo mira con asombro, eso es todo. Luego se recobra y se domina. ¿Va a emplear las mil trampas rituales que le asegurarán la conquista esperada? Eso sería demasiado banal. Su propósito no es vencer. Es un diálogo lo que él desea, de igual a igual. Así, se desarma, abandonando al objeto algunos de sus atributos humanos. El objeto se humaniza y el poeta le reconoce un derecho de percepción considerable. Entonces, se entabla un diálogo. Mas, el poeta, como si se hallara frente a un atómata de forma animal, no puede admitir tanta injusticia. Y se transforma, o se imagina ser él mismo un objeto. La imagen y el poema adquieren así un verdadero derecho sobre el poeta. El equilibrio está conseguido y el diálogo puede proseguirse sin riesgo, ya que el objeto es capaz de pensar y literalmente el poeta de escribir. En este universo poético, la falsa alianza, la falta de armonía son imposibles. Los cuatro reinos -vegetal, animal, mineral y humano- conocen una felicidad, un equilibrio, una alianza sin sombras.
Gracias a la obra de Carrera Andrade tenemos hermanos entre los guijarros, los árboles y las iguanas; amigos más allá de la constelaciones, y poetas que nos dictan frases más bellas que las frases de los hombres, en el fondo del mar.
(Discurso pronunciado en la Sorbona, el 5 de noviembre de 1952)
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